(17) Instant volé

Puis elle cessa brusquement de rire et me fixa de ses grands yeux clairs. Je m’agenouillai à tout hasard, je n’avais pas regardé au sol, avant de me relever. Je tendis alors la main vers elle : « de plus en plus chaud… ». Son collier frémissait au rythme rapide de sa respiration, son chapeau frissonnait sous la brise qui filtrait dans l’interstice du hublot tandis que l’élégante dentelle de sa robe me défiait silencieusement. Je retins mon souffle et posai très doucement le bout de mes doigts sur l’étoffe qui couvrait ses épaules.
Elle ferma les yeux en murmurant « brûlant », tandis que je glissai de son épaule à son bras, sans un mot. Je ne respirai plus, mon cœur cognait dans mon corps comme un lion en cage. Une voix dans ma tête m’ordonnait d’arrêter, me rappelait que je n’étais pas un homme, qu’il était indécent de se conduire ainsi avec une femme. Elle posa sa main sur la mienne quand j’effleurai le haut de son corsage, me regarda droit dans les yeux et me dit en se moquant « chaud, mais vous vous éloignez mon cher ! ». Je respirai avec difficulté, il faisait affreusement chaud dans cette minuscule cabine. Le rhum qui coulait dans mes veines ajoutait à la confusion de mon esprit et à mon trouble. Comment réagirait-elle quand elle apprendrait que je l’avais abusée depuis le premier jour de notre rencontre ? Révèlerait-elle à tous mon terrible secret ?
Je repris courage et remontai le long de son cou qui frémit sous mes doigts. Elle se raidit quand j’atteignis l’arrière de sa nuque, et j’entendis un mot, comme venant d’outre-tombe : « brûlant ». Je passai alors sous son chapeau et trouvai immédiatement un petit sachet en toile que je retirai avec précaution. Elle me félicita en réajustant sa coiffe pendant que je priais le ciel pour que personne n’entrât avant qu’elle n’eût terminé. Qu’aurait-on pensé ? Je défis le cordon d’une main tremblante et poussai le second cri de surprise de la soirée, d’une voix sensiblement plus basse, à ma grande satisfaction.
A suivre...