Gentes dames et damoiseaux, je vais vous conter. Que dis-je? Je vais vous faire vivre en temps réel la fin de ce château et de ses remparts! Retournons 500 ans dans le passé, alors que Binche est à son apogée en matière économique et en terme de pouvoir. Tout s'écroule en une seule journée."En une seule journée me direz-vous". Oui, l'histoire ne retient pas tout. Moi je connais avec exactitude l'histoire de la fin de ces remparts. La voici:
La nuit commence à tomber, l'atmosphère est humide, le vent est puissant, il balaie les feuilles et autres débris qui jonchent le sol, la poussière m'aveugle, elle obstrue mes poumons, j'ai du mal à respirer. Les barbares sont au pied des remparts! Ils crient tels des bêtes en rut. Ils veulent à tout prix transpercer nos défenses et pénétrer dans notre cité. Ils veulent nos victuailles, nos richesses, nos femmes et nos enfants. Ils assaillent nos murs. Mais les chevaliers binchois repoussent très bien les assauts. Ils jettent de l'huile brûlante sur les ennemis qui tombent défigurés, brûlés vifs à même le sol. Les hurlements de douleurs font échos, j'en ai des frissons. La bataille bat son plein, il fait de plus en plus chaud. Un orage éclate, je suis au pied de l'arbre aux mille douleurs. Les chevaliers binchois ont plus en plus de mal à repousser les attaques. Un éclair fend le ciel, la pluie tombe à tambours battants, le bruit me rend sourd. Je sens la terre se soulever...Ça y est ! Ils se réveillent, l'arbre à chat ouvre ses entrailles. Des milliers de chatons morts sortent du sol miaulant leur vengeance, certains sont squelettes, d'autres ne sont plus que charpie. Peu importe, avec puissance et par milliers. Ils se jettent sur les chevaliers. Ceux-ci sont effrayés et dépassés par le nombre. Imaginez-vous, une centaine de chatons s'accrochent à vous, vous empêchent de voir, de respirer, pris de panique, vous perdez vos repères. Les chatons n'auraient jamais pu arriver à bout des chevaliers mais les barbares oui! Profitant de l'aubaine, ils brisent les défenses binchoises et anéantissent les chevaliers sans aucune pitié.
Je suis toujours contre mon arbre, l'arbre à chat, l'arbre où les habitants de Binche venaient claquer les chats nouveau-nés. L'arbre où j'ai prié pour ces chats, l'arbre où j'ai essayé de soigner les malheureux agonisants avant de les achever... l'arbre ou j'en ai pleuré. Je suis là, les milliers de chatons morts me regardent, ils voient ma tristesse. Ils s'approchent et m'entourent, ils hurlent tels des loups. Je crie avec eux. Je perds mon souffle, je m'appuie contre l'arbre et un survivant de couleur dorée saute sur mon épaule. Il miaule avec affection et me lèche la joue. Le reste de la horde regagne leur sépulture. Le chaton doré et moi regardons les barbares. Ils courent envahir la ville. Le chef s'approche de moi et caresse le chaton couleur or. Depuis cet instant, chaque jour je viens avec mon animal près de notre arbre et je me remémore cet événement.