Magazine Humeur

Mon magajournal

Publié le 12 février 2008 par Steveproulx

Lapresse L'autre samedi, un "boum" sonore me tire des bras de Morphée. Le camelot vient de livrer La Presse à ma porte. Avec ses 11 cahiers touffus, l'édition sabbatique est une brique.

Tant qu'à être réveillé, aussi bien se lever.

L'autre samedi, un "boum" sonore me tire des bras de Morphée. Le camelot vient de livrer La Presse à ma porte. Avec ses 11 cahiers touffus, l'édition sabbatique est une brique.

Tant qu'à être réveillé, aussi bien se lever.

Depuis quelque temps, la une du samedi du plus grand quotidien français d'Amérique n'est faite que de photos en couleurs et de titres en grosses lettres. "AÉROPORTS: ATTACHEZ VOTRE CEINTURE!", "ISABELLE BLAIS: LA BELLE VIE D'UNE DISCRÈTE OMNIPRÉSENTE", "MOURIR SEUL À MONTRÉAL".

Ce matin-là, le plus gros titre, "LE CONTINENT INVISIBLE", est réservé à un dossier sur les grottes du Mexique. Huit pages de textes et de photos grand format imprimés sur papier glacé dans le nouveau cahier Éléments.

En voyant le truc, je me suis dit: "Ça y est, mon journal est officiellement devenu un magazine." Car avec son cahier Éléments, La Presse fait désormais du National Geographic.

Le coup était prévisible. Le quotidien se "magazinise" progressivement depuis quelques années. Et il n'est pas le seul journal à piquer ce qui était jadis la chasse gardée des magazines. J'ai nommé: les reportages intemporels, le journalisme "human" et l'exaltation du visuel.

Pourquoi les journaux se prennent-ils pour des magazines? Simple. C'est parce que certains médias se prennent pour des journaux. Je m'explique.

Il n'y a pas si longtemps, le rôle d'un quotidien était de rapporter les actualités de la veille. Le compte rendu de la conférence de presse du ministre Machin. L'accident de la route à Saint-Glinglin. Le 5 à 0 pour Boston...

L'arrivée d'Internet - et celle des chaînes d'information continue - a tout changé. Désormais, si quelque chose survient quelque part, le public zappe sur RDI ou clique sur le Web pour en savoir plus. L'info est là. Immédiatement. Et gratuitement.

Le quotidien ne peut pas suivre. Le temps que cela prend pour imprimer et distribuer le canard, et le train de l'actualité est déjà passé. Qui veut lire un journal qui ne ferait que régurgiter les nouvelles après tout le monde? Surtout, pourquoi payer ce journal? Car, en plus d'Internet, de nouveaux quotidiens (Métro et 24 Heures) donnent chaque matin les nouvelles après tout le monde.

Et nous voilà à la question qui donne des cheveux gris aux patrons de journaux. Comment, dans ce nouveau contexte, convaincre les gens d'acheter un journal chaque jour?

Certains pessimistes ont déjà signé l'arrêt de mort des quotidiens payants. N'envoyez pas de fleurs tout de suite par contre. Les journaux ont encore de l'avenir, mais ils devront devenir des magazines.

Puisque les journaux ont perdu la course à l'information instantanée, ils devront compenser en offrant de la profondeur, du recul, du contexte, de l'analyse, mais aussi des dossiers spéciaux sans lien direct avec l'actualité immédiate. Tout comme les magazines.

Puisque s'informer en ligne demeure une activité plutôt froide, les journaux devront compenser avec des textes plus "chauds", au ton moins "voici-ce-que-telle-personne-a-dit-hier-à-telle-place-à-propos-de-ceci". Des textes qui devront raconter les événements plutôt que de les rapporter bêtement. Tout comme les magazines.

Enfin, puisque l'info sur le Web provoque peu de stimulation tactile, les journaux devront miser sur le plaisir de feuilleter et de transporter avec soi un document agréable à l'œil, bourré de photos et de bouchées d'information à grignoter. Tout comme les magazines.

On regarde La Presse, et on voit clairement que c'est cette direction que prend le journal.

Et nous voilà à la question qui donne des cheveux gris aux patrons de magazines. Comment, à l'ère des magajournaux, convaincre les gens d'acheter un magazine chaque mois?

J'ai posé la question à un rédac' chef d'un magazine la semaine dernière. Il a admis ne pas avoir trouvé l'idée du siècle pour réinventer le magazine.

Or, il faudra trouver vite. Depuis 1994, nos magazines perdent en moyenne 1 % de leurs lecteurs chaque année. Certains en perdent beaucoup plus.

Que faudra-t-il pour stopper l'hémorragie?

Selon moi, les magazines devraient investir dans leurs forces. Être des documents de luxe que l'on conserve longtemps, avec des textes fouillés qui font le tour d'un sujet. En somme, les magazines devraient s'inspirer des livres...

Et nous voilà avec un autre problème: quel avenir pour le livre?

© Steve Proulx 2008| Texte original publié dans Voir, 23 janvier 2008


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