Samedi soir. La nuit s’est levée tôt ce matin, en pleurs. Averses après averses.
Journée pour dormir dehors. Dans ma balançoire. Sous la toile protectrice, zippée jusqu’en bas, fermée, pour ne pas me faire mouiller. Étendue, les yeux clos, les oreilles grandes ouvertes. Plouc! Plouc!
J’adore dormir dans ma balançoire. J’fais ça tout l’temps.
J’me rappelle, l’an passé, où était-ce l’autre avant. J’y ai dormi le 26 novembre. Peux-tu croire? Oui! le 26 novembre! Ahhhhhh! C’était génial!
Ça doit te faire suer que je te raconte ça. Toi, obsédé du camping. Je campe dans ma balançoire, moi, qui déteste le camping autant que l’idée de manger des verres de terre!
Mais ça ne se compare pas.
Quand j’ai envie de pipi, je me lève, je passe aux toilettes « PROPRES » dans MA maison.
Et, surtout, pas de maudites rigoles à creuser autour de mon campement pour empêcher l’eau de pluie de tout mouiller. Rigoles qui ne sont jamais assez profondes qu’il faille toujours creuser et creuser davantage. Pour finir dans l’eau pareil, « no matter what ». Dans toutes nos vacances de camping, les seules rigoles qui ont su tenir étaient celles qu’on avait en dessous des yeux pour avoir passé des nuits blanches à creuser.
Dormir dans ma balançoire, appelle ça du camping de pitoune! Et rassure-toi, je n’ai pas changé. Le camping sous la tente est et sera toujours le summum du trouble et du désagrément dans mon livre.
Dans le 450, ce que j’aime, c’est d’aller à vélo jusqu’à Oka, à la plage. Pas celle publique, je déteste. Trop de gens. Ni celle des nudistes, c’est pas mon genre. Tu me connais.
Tu dois t’en souvenir quand tu m’as écoeurée pour que je retire mon haut de bikini… c’était où donc? Ah oui! Au Portugal! En Algavre. Magnifique Algavre!
Ça faisait deux heures, au moins, que tu me harcelais. J’ai fini par enlever mon top. Pas pour te faire plaisir ; pour te faire taire.
Et là, tu te souviens des quatre beaux gars qui sont arrivés et se sont installés juste à côté de nous? Ils n’arrêtaient pas de me regarder. Ça t’a fait pogner les nerfs. Tu voulais que je remette mon haut de bikini.
J’étais fière!
« Tu m’as écoeurée pour que je l’enlève, ben endure le regard cochon des quatre gars! »
Je suis restée là, couchée sur le dos, les mains jointes derrière la tête. Et vlan! dans les dents.
Non, je ne vais pas à la plage des nudistes. Juste un peu avant. C’est plus tranquille. Il y a plein d’arbres qui forment, çà et là, des ombrelles naturelles protégeant ma peau blanche de rouquine.
Je me fais un pique-nique. J’apporte de quoi lire, écrire, écouter. Mais surtout, je ne fais rien, comme dans R-I-E-N. Simplement ressentir la brise douce et caressante sur ma peau. L’ombre m’éventer. Yeux fermés, j’écoute le vent dans les feuilles. As-tu déjà remarqué que le chant des feuilles change de tonalité selon la force du soleil? Entourée de cette nature invitante, je me sens ailleurs. Loin. Très, très loin. Sans attaches. Libre. Totalement, follement libre.
Et tu devrais voir les magnifiques couchers de soleil.
On ne les voit pas de partout. Il faut aller vers la droite, au-delà de la plage publique. Là où les planchistes font valser leur voile multicolore.
Beaucoup ne connaissent pas cet endroit. Tant mieux, on y est souvent seul.
De ce côté, la plage s’étend, invitante, tel un lit qu’on déplie pour accueillir les amants repus.
Imagine un soleil de plus en plus gonflé, enflammé, descendant lentement, doucement, mais sûrement, dans la moiteur troublante de l’horizon frissonnant, explosant de mille feux, avant de s’endormir contenté.Imagine dans la pénombre de la nuit, le sable chaud léchant les orteils, dos contre dos enlacés dans une étreinte suave, goûtant, pouce à pouce, comme des aveugles, chaque courbe de l’autre, incapable de se séparer, soudés.
Imagine un peu… sous la lune, deux corps vautrés, caresses appelant caresses, baisers appelant baisers, ventres hardis délirants, se cherchant, se désirant, s’aimant enfin, exaltés.
Tu voulais savoir pourquoi le 450 ? Voilà pourquoi.
Et toi, dis-moi, le 450, avec tous ses attraits, ne te dit toujours rien?
Ma réponse
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