Celui qui sifflote en chaloupant dans le sillage de la Gradisca / Celle qui a jeté son dévolu sur le fondé de pouvoir à moustache de paille de fer / Ceux qui font du plat à la gagnante du Super-Tribolo / Celui qui sait où l’on sert le meilleur vitello tonnato de la Toscane côtière / Celle qui hume les parfums vanillés de la prairie aux orchis / Ceux qui hantent les vernissages gourmands / Celui qui réinvente les couleurs perdues du nuancier du Quattrocento / Celle qui peut te dessiner la fleur du muflier si tu le lui demandes gentiment / Ceux qui se retrouvent dans la salle des papas perdus / Celui qui se régale à la terrasse du glacier vénitien / Celle qui savoure une figue de barbarie au seuil de son loft de Santorin / Ceux qui consacrent leurs économies à l’achat d’une réduction en polymère du David de Michelangelo Buonarotti dit Michel-Ange / Celui que la simple vue d’une jupe rouge bombant sur le derrière d’une jeune Espagnole à bicyclette roulant sous le vent suffit à combler d’aise pour le reste de la soirée dans les jardins du Guadalquivir / Celle que réjouit le babil matinal de ses enfants petits / Ceux dont l’humeur se plombe à l’écoute même distante des fonctionnaires de la culture parlant plateformes de créativité et visibilité stratégique des intervenants / Celui qui rédige ses Ceux qui sous le nez du Chef de projet convaincu que c’est pour ne rien perdre de son verbiage de raseur absolu / Celle qui se rappelle le fumet de la soupe aux oignons de son enfance paysanne / Ceux qui ont connu le temps du pain perdu / Celui qui fait jouer le Glockenspiel de sa mémoire / Celle qui valorise la gamme vétiver de ses fragrances végétales / Ceux qui posent des questions citoyennes aux fonctionnaires répondant avec les airs concernés d’adultes responsables, etc.
Image : Philip Seelen
(Cette liste a été jetée ce matin à Berne dans les marges du Rapport annuel de l’Office fédéral de la culture, durant la conférence de presse d’icelui, constituant l’un des non-événements les plus assommants qui se puissent imaginer)