Les mecs ont désossé les cloisons mobiles comme des péruviens manchots. Avec les dents et à coups de boule. Et ils n’ont rien fait de plus. À part re-planquer les fils qui trainaient dans le faux-plafond.
Puis ils sont partis. Et nous ont laissé nous découvrir nos nouveaux locaux de Pantin.
Sans les cloisons mobiles, les dalles de moquette posées sans colle la jouent tectonique des plaques.
Deux heures pour dégager le sol de la pièce principale en empilant les carrées aux poils ras. Vue la surface, entrée, couloir, bureaux et call-center gardent leur gris moucheté. Aux jonctions entre moquette rugueuse et sol tout lisse, coup de gaffer taxé à Jou-Jou.
Relativement efficace.
Parfois, en passant du couloir à un bureau, un très léger glissement de terrain se fait sentir sous le pied. Les dalles bougent.
Moquette vivante et vibrante.
Toute l’aile gauche des locaux est réservé à l’entrepôt. Une enfilade de cinq pièces qui mènent à un quai de déchargement.
Vue sur parking et chemins de fer.
Avant, il y avait une boîte d’électro-optique et de micro-mécanique. Vibromètres laser, topographie 3D, analyse de process, vision industrielle… Une boutique à maux de crâne.
Puis ils sont partis. Et nous ont laissé nous découvrir nos nouveaux locaux de Pantin.
Table périodique des éléments patinée fixée au mur, lavabos en inox épuisés, carrelage éclaté, lino limé… L’impression de glisser ses pieds dans les pompes d’un autre.
Va falloir marcher pour qu’elles changent de forme.
L’équipe log déboulera quelques jours plus tard. Deux petites heures de bavardage dans la salle de réunion avant de tracer au fin fond de l’Essonne, vider le garde-meuble. Récupérer tout le matos. Et tout tomber. En une petite semaine.
Décharger, déballer, trier, jeter ce qui est foutu, faire une liste de courses mentale, répartir dans chaque pièce, protéger certains sols, délimiter des zones, acheter les premières fournitures, se promener dans chaque pièce, imaginer chaque mouvement, penser à des détails inutiles pendant des heures. Et s’arrêter.
En quelques jours, l’entrepôt a une gueule de supermarché de la récup’. Agencement thématique au pied de biche, étiquetage au marqueur et au scotch.
À l’étage, une autre série de bureaux-moquette. Inutiles. Qui serviront de dancefloor pour les apéros maison. Et la cuisine, pour que la marmaille se ravitaille.
Affichée au dessus de l’évier, la note de service N°76, datant du 3 août 2000, émanant de la direction de la Boutique à Maux de Crâne.
Deux pages A4, sous verre.
Aliments odorants à conserver dans des boîtes hermétiquement fermées, cloche pour réchauffer son plat dans le micro-ondes, bouilloire à maintenir propre, vérification régulière du niveau d’eau dans la machine à café, placards régulièrement nettoyés afin d’éviter la présence d’insectes et pourriture… La note de service N°76 est un manuel du savoir vivre en cuisine collective.
Va falloir investir l’espace.
Jou-Jou conclue la visite. La découverte de nos nouveaux locaux de Pantin.