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La falaise et l'océan
Le soleil timide dardait ses premiers rayons rosés alors que l’horizon semblait encore sourd et diffus. Déjà, le refrain lancinant de l’océan se balançait en écho entre ciel et terre. Sur le rivage, les graviers ne pipaient mot et contemplaient de leur horizontalité la vertigineuse falaise. Sa chevelure herbeuse était balayée par les vents marins et parfois, quelques larmes rocailleuses s’échappaient de ses escarpements. Alors l’océan courtois les prenait dans son écume pour les recueillir dans son immensité. Il les échangeait en coquillages nacrés qu’il déposait subrepticement sur la grève argentée. Sous le zénith, la falaise voyait ces bijoux étinceler et remerciait l’océan pour ses présents. Mais ces touchantes attentions n’estompaient pas sa mélancolie.
Un matin dans la brume vaporeuse, la falaise découvrit à ses pieds des planches de bois détrempées, éparpillées sur la côte. D’autres larmes de roche roulèrent le long de sa paroi. Elle pensa au navire qui avait dû sombrer cette nuit dans les eaux sombres et lointaines. Puis, quelques vagues claquèrent près d’elle et se retirèrent laissant sur les graviers les flocons cotonneux de l’écume. Entre les flocons, dormaient quelques naufragés. Le soleil, bientôt, pointa des rayons doux sur leur visage éprouvé. Leurs yeux s’écarquillèrent. Regardant la falaise comme une nourrice, ils se pressèrent contre son flanc. La falaise, à son tour, les contempla comme des enfants égarés puis glissa à l’océan un sourire serein. Ce dernier lui répondit par des caresses d’écume amenant sur le rivage d’autres coquillages précieux et quelques bagages perdus.
Crédit photo : István Benedek/Stock Exchange