Je ne réalisais pas l'ampleur de l'erreur que je m'apprêtais à commettre.
Le deuxième soir après notre union, je conduisis ma bien-aimée à la cabane où je vivais toujours. J'y avais endormi quatre mortels, de sinistres individus dont j'avais depuis quelques semaines déjà arrêté la mort, mais que j'avais laissé échapper jusqu'alors. Eléonor les regarda à peine, préférant m'envelopper de câlineries lascives.
Je tentai, en vain, de la détourner de sa requête. Rien n'y fit. Sa détermination croissante se nourrissait de l'effritement des vestiges de la mienne, et, tandis qu'elle naviguait d'encouragements en promesses, je me noyais dans ses yeux. Au fond de mon cœur, en dépit de tous les avertissements de ma raison, sa demande m'emplissait d'un tel bonheur que je ne pouvais envisager d'avenir autre que serein. Et, bien entendu, il y avait l'attrait de la communion elle-même, l'acte d'amour le plus pur que je pusse concevoir -- du moins, si l'on en oubliait les conséquences.
Nous nous unîmes charnellement à la manière des mortels avant d'échanger les sangs. Cette fois, je parvins à retenir mes appétits jusqu'à ce que ma belle, elle-même, m'invitât à m'y abandonner; je ne bus toutefois que deux ou trois gorgées, de peur que la faiblesse ne fît peser sur notre communion quelque danger. J'attendis que son cœur se calmât avant d'entailler ma gorge et de la laisser y porter les lèvres, puis je repris ma lente aspiration de sa vie. Sentir Eléonor s'embraser derechef de partager ma délectation me ravit au plus haut point, mais bientôt, le monde extérieur s'estompa.
Ma communion avec Antoine m'avait ébloui de félicité. Avec Eléonor, je découvris l'Enfer.