Le Crampon avait en effet quelques habitudes dans son environnement parisien, qui consistaient plus ou moins à tyranniser équitablement les autres enfants et le personnel de la crèche.
Oui, le Crampon a une fâcheuse tendance à ne faire que ce qu'il veut.
Malgré notre grande motivation à essayer de lui inculquer quelques principes du genre respect de l'autorité parentale, force est de constater que... bof.
90% du temps, le Crampon continue à ne faire que ce qu'il veut.
Cela ne veut pas dire qu'on le laisse jongler avec les couteaux de cuisine, bien sûr.
En revanche, s'il a décidé que ce soir; il ne mangerait pas à table, il faut juste oublier l'idée de le faire changer d'avis car son endurance dans l'entêtement est remarquable (et peut s'étendre sur de longues semaines, si, si).
Pour les parents dépités, restent donc deux choix : accepter qu'il mange ailleurs (sur son vélo, sur le canapé, sur le dos du chat, etc... Cet enfant a de l'imagination), ou refuser, avec la certitude que le Crampon ne mangera donc pas. (or, enfant insuffisamment nourri le soir = enfant affamé à 5h du matin, mais c'est un autre problème).
Mr PetiteGraine varions les plaisirs, entre laxisme et autorité, selon notre courage (et notre manque de sommeil).
Bien sûr; nous poussons régulièrement de longs soupirs et levons tout aussi régulièrement les yeux au ciel, mais ma foi, nous n'avons pas vraiment de comparaison possible avec d'autres enfants, et TOUS les parents se plaignent de la crise d'opposition de leurs enfants.
Ce sont donc les regards extérieurs qui nous permettent d'évaluer un peu plus objectivement la situation.
Echantillon de petits indices tendant à prouver que notre fils est très légèrement au dessus de la moyenne de la chianterie (doux euphémisme pour ne pas dire qu'il y a des jours où on s'inquiète d'avoir à faire à un futur psychopathe) :
- son ass' mat' qui répète sans discontinuer : "il est vraiment mignon, maiis il est têtu, hein. Je veux dire, il est adorable, mais c'est incroyable comme il est buté. Mais charmant. Mais vraiment incroyablement entêté"
- le personnel de la crèche parisienne qui a tout bonnement arrêté d'essayer de le faire descendre de son vélo pour venir s'asseoir à table pour le goûter. Tant pis, il ne goûtera pas.
- le même personnel de la crèche, qui, quand le Crampon hausse le ton façon "NOOOOOOOOON tu touches pas ma couche", ou tout simplement, commence à froncer les sourcils, stoppe net les négociations et s'excuse presque d'avoir voulu le changer "Nooooon Crampon ne t'énerve pas, ne t'énerve pas c'est pas grave, on ne va pas changer la couche" . Je sais, ça étonne, mais franchement, elles ont raison... Le forcer reviendrait à le braquer définitivement et à s'assurer une année d'enfer à l'approche de la table à langer. Oui, oui, une année. Il est résistant comme ça le Crampon. 6 mois de refus de bain et de crises hystériques à la maison à la simple évocation de la baignoire, je sais de quoi je parle.
- le personnel de la nouvelle crèche, nous demandant, un peu inquiet : "mais euh... c'est à cause des perturbations du déménagement qu'il est autant dans l'opposition, ou ça a toujours été comme ça ?" (un conseil : ne pas répondre la vérité sous peine d'éviction définitive)
Voilà voilà.
Donc le Crampon est incroyablement têtu. Et il a donc une sérieuse propension à être en position de dominant parmi ses congénères.
Je ne vous dit pas sa surprise de découvrir que dans la nouvelle crèche, les enfants (tous plus grands que lui) ne se pliaient pas naturellement à ses quatre volontés.
C'est un petit groupe très soudé, qui fait donc bloc contre lui quand il exagère.
Ouaip. Les enfants en groupe réussissent ce que les adultes et les parents ne réussissent pas.
Ils sont plus fort que nous, oubliez les patrons du CAC40, ce sont eux qui dirigent le monde.
Conclusion, tous les matins, le Crampon pleure pour ne pas aller à la crèche "Noooon maman, veux paaaas les autres enfants !"
Mr PetiteGraine et moi avons donc mise en place une grande stratégie d'intégration du Crampon à base d'évocation régulière du plaisir du partage avec les copains, et comment elle s'appelle cette petite fille avec qui tu faisais la course, et oooooh comme il est gentil ce petit garçon de te prêter son jouet, et sinon, avec qui tu as joué aujourd'hui, etc etc.
Bon.
Pour l'instant, résultats pour le moins mitigés.
Question : "Crampon, elle s'appelle comment la petite fille avec qui tu fais du vélo ?"
Regard du Crampon vers la petite fille.
Réponse pleine de conviction : "A vélo".
Moui d'accord. La mode des prénoms originaux fait des ravages chez les jeunes générations.
1 semaine plus tard :
Question : "Crampon, comment il s'appelle ce copain sur son trotteur ?"
Réponse du Crampon, fier comme Artaban : " Il s'appelle "Il roule" "
Voilà voilà.
C'est pas gagné l'intégration.
PS : à ceux qui seraient tentés de me donner une leçon de morale sur ma responsabilité de parent de lui apprendre le respect de l'autorité, je pète les genoux, non sans leur avoir préalablement expédié le Crampon une semaine en pension, pour leur apprendre ce que c'est qu'élever l'enfant le plus entêté du monde (et croyez moi, la douleur des genoux ne sera pas le plus difficile à supporter dans cette punition).
PPS : Mais il est mignon, hein. Très. Mais têtu. Et adorable. Et chiant aussi.