Bruissements

Publié le 08 juillet 2011 par Eric Mccomber
Beaucoup dansent, comment font-ils ? Je suis plombé, en vérité. Pourtant, j'ai dansé l'autre soir à Arles. Mais c'était entendu. C'était dans une fête de gens qui savent, pas de gens du déni. Ce soir, c'était le soir du déni. Alors je restais là, accablé. Il me faudrait 20 kg de moins et 200 000 € de plus pour séduire, pour être cool, intéressant, sexy, rigolo. Là, je ne suis qu'un pauvre type dans la foule, capable de jouer un peu de guitare, capable de bâtir un roman. Qui en a quoi que ce soit à foutre, désormais ?
J'ai bien dit en 1999, nous serons bientôt tous flics, putes, flics à putes ou putes à flics. Levez la main, les dissidents. Je me noie.
Puis quand les petites fillettes dansent et soufflent des bulles de savon en tous sens, chaque fois, je calcule l'âge qu'aurait mon petit drôle et je le vois tourner avec elles et rire et tomber, pouf, sur son séant, et alors je jure que c'est une hallebarde de la taille de la tour Eiffel qui m'empale de haut en bas, une tige d'argent qui me scinde en deux devant tous ces fêtards, un couperet si fin qu'il ne laisse pas la moindre trace, qu'il ne fait même pas couler le sang, simplement, je suis là, laminé, tranché, écartelé. Alors je ferme les yeux pour ne pas voir les gamins et je me prends deux ou trois autres bières. Qu'y puis-je ? On y peut si peu. On y peut bien peu. On y peut rien. Allez, je rentre bosser, un point c'est tout. Je rentre sculpter mes petites chapelles. On verra si ça finit par faire office de rédemption. On verra si ça finit un jour par égaler ce bisou dans le taxi, avec F… ou cette étreinte fulgurante à Trois-Rivières avec A… On verra si ça finit par un jour valoir une seule seconde auprès de Mathilde, un seul grain de sablier, une goutte de rosée, un pauvre rayon de lune, une pure vaguelette rutilante courant à l'oubli à la surface du ruisseau. On verra.© Éric McComber