M : nœud de cravate OK, chemise repassée OK, désodorisant anti-transpirant OK, haleine fraiche OK. Ça a l'air d'être bon. Je transpire un peu mais rien de grave, je gère jusque maintenant. Dois-je m'asseoir ? Non, je vais avoir l'air trop passif. Debout ? Non, non, je vais paraître nerveux. La dame de l'accueil me fixe, c'est surement une indic du recruteur. Calme, reste calme.
Le recruteur apparait, il est décontracté, souriant et vient dans la direction de Monsieur Mazzerotini.
R : bonjour M. Martini, comment allez-vous ? Cela a été pour venir ?
Il tend la main au jeune homme. Celui-ci l'attrape et la sert vigoureusement. Il sourit de façon hésitante. Règle de base, il faut avoir l'air sympathique même si on ne l'est pas.
M : bonjour, oui très bien, un peu de bouchon mais ça a été. En fait je m'appelle Monsieur Mazzerotini.
R : mille excuses, vous savez, nous voyons tellement de candidats que j'ai parfois du mal avec les noms. Mais pour les passer au crible, c'est autre chose. Oui, ces pauvres candidats m'appelle L'EXAMINATOR.
M : heu...pardon ?
R : l'ascenseur est en panne, nous allons prendre l'escalator.
M : ah !? OK, prenons l'escalaminator.
R : pardon ?
M : il fait bon dehors...
Les deux hommes pénètrent dans le bureau et s'installent.
R : débarrassez-vous M. Materrazzi, je vous en prie, il fait chaud et je vous sens un peu tendu.
M : excusez-moi, c'est M. Mazzerotini. Je ne suis pas stressé, je suis bien là. Je n'ai jamais été aussi bien de ma vie.
Autre règle, dans un entretien d'embauche, toujours avoir l'air décontracté même si on ne l'est pas.
R : commençons M. Mazz....Mazz....enfin, commençons. Je vois que vous avez une licence en ingénieur commercial, une licence en science politique, 5 années à Harvard en tant que bio-chimiste et que vous parlez 7 langues.
M : oui, je suis polyglotte, je parle Anglais, Italien, Français, Japonais, Allemand, Islandais et Cambodgien.
R : parlez-vous Indien, Brésilien et Chinois ?
M : non mais....je peux....
R : ça va être difficile alors. La concurrence est rude M. Milky, nous faison face à de nombreuses demandes et seul le meilleur sera retenu.
M : je comprends très bien mais il s'agit d'un poste de vendeur en friterie ambulante en Wallonie.
R : et alors ? A tout moment, un touriste indien ou brésilien peut venir vous acheter un paquet de frites et que ferez-vous ?
M : je lui parlerai en Anglais.
R : et s'il ne parle pas Anglais ?
Silence radio, le candidat ne sait plus quoi répondre. Encore une autre règle, ne jamais laisser de blanc dans la conversation !
R : vous voyez ! Ingénieur commercial et ça ne pense pas plus loin que le bout de son nez ! Le client est roi, il se sentirait offenser si nous ne parlions pas son langage. C'est très mal parti M. Marchisotirnoni. Prétentions salariales ?
M : le barème, je pense que pour commencer cela suffira.
R : le barème !? Vous vous rendez compte !? Vous ne pourriez pas être indépendant !? Ah ces jeunes, qu'ils sont utopistes. Vous avez une camionnette réfrigérée pour transporter les frites surgelée au moins ?
M : heu...non...j'ai une voiture tout à fait banale.
R : que voulez-vous que je fasse avec vous ? J'ai beau mettre du mien mais vous ne faîtes pas d'efforts.
M : j'ai fait de nombreuses années d'études et c'est un poste de vendeur en friterie ambulante. Ne croyez-vous pas que vous êtes trop sévère ?
R : écoutez M. Portini, je n'ai vraiment pas de temps à perdre. Je vous propose une place en or avec des conditions de travail ainsi qu'un salaire attractif et vous vous permettez d'émettre des doutes sur ma façon de procéder ! C'est la crise, si vous voulez travailler, il faut faire des efforts.
M : c'est-à-dire que....
R : enfin, vous n'avez pas l'air d'avoir compris. Ne vous inquiétez pas, j'en connais d'autres qui seront ravis de travailler. Là, je vais recevoir un ancien politicien qui saura surement saisir l'opportunité qui lui est offerte. Un certain M. De Wever. Un grand fan de frites. Ils trouvent que les meilleurs frites sont Wallonnes et ne vit pas une seule journée sans en manger un paquet, Un vrai fan, je vous dis ! Sur ce, je vous dis au revoir et je ne vous raccompagne pas.
Le jeune Mazzerotini 42 ans quitte la salle, très déçu, il se dit qu'il devra suivre une licence en langues exotiques pour décrocher un boulot. Il retourne à l'entrée et croise un monsieur qui lui fait penser à quelqu'un mais qui ? Ah oui ! Hitler mais en plus gros.