Magazine Journal intime
Les derniers planteurs de fumée
Publié le 11 juillet 2011 par AraucariaQuatrième de couverture :
"Au fond, les vrais voyages sont immobiles. Immobiles et infinis. Solitaires. Silencieux. Souvent, ils commencent dans une chambre où l'on est enfermé parce qu'il pleut ou parce qu'on est malade, obligé de garder le lit. On a huit ou neuf ans, le goût des images qui partent toutes seules dans tous les sens et qu'on lit de même, en sautant par-dessus les fuseaux horaires".
Souvenirs, portraits d'un vagabond furtif, ces courts récits s'offrent comme une variation musicale autour du mot de Rimbaud : "On ne part pas."
"Il y a des terres lointaines où l'on n'aborde jamais, sauf en rêve, lorsque le soir tombe infiniment et que le ciel est d'un rouge d'opéra. On est assis sur le seuil ou accoudé à sa fenêtre et l'on regarde au fond de soi paisiblement s'écrouler ces grands châteaux qu'une journée qui s'en va avait patiemment, laborieusement échafaudés.
On est un homme soudain rendu à son silence, à sa pesanteur, au calme de son ombre, et l'Indien qu'on fut dans une autre vie peut sans peine remonter le cours du temps sous la paupière, reprendre possession de ses terres au bord de l'eau, qui glissent dans le soleil couchant. Qu'il mâche une herbe douce ou fume, c'est du bonheur tout doux qui fait son nid derrière la nuque, et nos yeux se plissent alors comme ceux du chat. C'est l'heure des souvenirs qu'on tait et qui montent tout seuls dans l'air comme un nuage léger, âcre un peu, parfumé, vers les clignotantes lumières du fond des âges. On sait que les anges qui toussent ne sont pas de chez nous."
Guy Goffette - Les derniers planteurs de fumée - Folio n° 5168