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Evander Holyfield 'Real Deal' Boxing

Publié le 15 février 2008 par Laurent Matignon

Petit laid


Chapitre 19
… pour m’apercevoir que Carine n’est visiblement pas rentrée de la nuit ! Etrange. Ca ne lui ressemble pas. Elle a toujours su retrouver le chemin de sa maison.
Peut-être a-t-elle tout simplement dormi sur le canapé, voyant que je roupillais comme un nourrisson. Délicate attention.
Non.
Elle a donc bien passé la nuit dehors.
Et bien soit. J’en suis fort aise. Qu’elle fasse comme ça l’amuse, peu m’importe ! Elle finira bien par rentrer.
En attendant, je sors. J’ai ancré dans mon cerveau comme une évidence : je dois chercher du travail. Oh, je n’en suis pas encore à me dire que je dois TROUVER du travail, fort heureusement ! Cela serait mauvais pour mon équilibre intellectuel. Mais j’ai tout de même l’impression d’être passé du mauvais côté de la barrière.
Un de mes amis, un junky, m’a confié un jour qu’être accroc, c’est comme un banal et quotidien métro-boulot-dodo. Il m’enviait de ne pas avoir adhéré à ce système, sous quelque forme que ce soit.
Je pense avoir résolu depuis longtemps la troisième partie de l’équation. Et voilà que je vais me mettre en quête du deuxième mot magique. Pour me consoler et aussi un peu pour me rassurer, je me dis qu’avec le VAL, ce simili-métro qui ronge le sous-sol lillois, je ne suis pas près de toucher le gros lot.
A peine ai-je parcouru quelques mètres que je tombe nez-à-nez avec une superbe offre, un boulot de rêve, la solution à tous mes tracas. Je pousse donc la porte… Et je me retrouve nez-à-nez avec deux débiles du genre chauffeur-routier-torché-à-la-vinasse. Et qui, comble de tout, se permettent de me dévisager. Sans doute me trouvent-ils déplacés en ce lieu. On oublie trop souvent que la normalité n’est qu’affaire de nombre.
Ou peut-être ont ils soudainement compris, à ma vue, que le job était pour moi et pour moi seul.
C’est sûrement ça.
Une petite binoclarde, lunettes noires, cheveux jaunes, me prie de bien vouloir patienter. Ben voyons... Elle a de la chance que je n’ai rien de prévu dans l’immédiat. Alors je laisse faire.
Les deux gros et gras semblent se connaître. Ils éructent bruyamment, mais leur chant n’est sans doute pas sans signification. Je regrette de n'en saisir un traître mot. Dès que j’aurai ce job, j’enverrai un don à Greenpeace pour qu’ils apprennent à communiquer avec les baleines.
Ils s’en vont.
Je m’ennuie.
Ah, enfin mon tour ! Les deux pourceaux sont ressortis la mine réjouie, le groin en l’air. Ils n’ont pas compris.
Un costard-cravate, plutôt du genre chef de rayon Leclerc que Paris 16, me serre la main énergiquement. Technique très connue pour masquer ses déviances homosexuelles, mais on me la fait pas, à moi. Puis il m’invite à m’asseoir. Il n’espérait pas, ce demeuré, que je reste debout devant lui quand même ?
Ces petits yeux de rat d’égout rescapé de Tchernobyl épluchent mon visage, ma bouche, mon menton, mon nez. « Dans quel domaine cherchez-vous ? », me demande-t-il. La question qui tue. On est chez Jacques Martin ou quoi, là ? Manquerait plus qu’il me demande si je suis venu avec papy et tonton.
« Je veux bosser », que je lui dis. Et ca le fait sourire, ce con. Sur quoi il ajoute que tous ceux qui se présentent devant lui émettent le même souhait. S’il le sait, pourquoi donc m’infliger ses questions à deux francs trente ?
Voilà qu’il me demande un CV. Comme si chacun avait les moyens de s’offrir un ordinateur pour faire ce genre d’inepties. Il a qu’à me poser des questions, je suis capable de lui répondre, je suis pas camionneur.
Ouais, ça ne rate pas, il me demande dans quel domaine j’ai travaillé auparavant. Et aussi pour quelles entreprises, avec qui, où, quel diplômes je possède ou quel niveau d’études j’ai atteint… Et il me laisse pas le temps de répondre, ce merdeux ! Comment veut-il que je trouve le temps de m’improviser une vie s’il m’assaille ainsi de questions ?
Alors je me lève et je lui fous mon poing dans la gueule.
Et je me casse.

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