Je ne l’avais vu qu’une seule fois, j’ai échangé une politesse et une petite blague.
Après, je l’ai recroisé deux, trois fois et les seuls mots échangés étaient « bonjour, comment tu vas ? »
Pas de « ça va, merci » en retour. Ça ne nous intéressait même pas…
Je ne me suis jamais posé de questions sur lui. Jamais demandé s’il était sympa ou renfermé.
En vrai, il suscitait en moi une complète indifférence.
Tout au plus, je connaissais son nom et je parvenais à l’associer à son visage.
Très vite, pourtant, j’ai senti une gêne parmi les amis communs.
Une crispation quand ils parlaient de lui, un blanc, le passage d’un ange…
Des non-dits, des pensées retenues, des non invitations.
J’ai fait le lien entre lui et leurs réactions.
J’ai réagit à chaud, leur disant qu’il était snob.
J’ai demandé des explications.
On m’a répondu qu’il ne m’aimait pas.
On m’a répondu que cela faisait des mois qu’il refusait de venir quand j’étais là
Il m’était totalement indifférent et moi j’avais pris toute la place dans sa relation avec ses vieux amis.
En vrai, c’est impossible cet écart entre ce qu’il suscite en moi et ce que je représente pour lui
En vrai, on m’a donné le rôle du bouc émissaire.
En vrai, il a un problème avec ses amis.
Mais c’est difficile à comprendre, cela
C’est compliqué à expliquer, charger un tiers est plus aisé
C’est pas facile à vivre ce passage vers la trentaine et le reste
La bande d’amis qui s’aiment tant, qui se sont promis de jamais se lâcher
Ces amis qui ont tout vécu ensemble : le bon, le mauvais, les souvenirs, les premiers émois
Ces petits mecs qui se voient devenir des hommes.
Ils sont arrivés à ce moment fragile
Entre l’adolescence qui s’est étirée un peu trop longtemps
Et l’âge mature qui arrive malgré tout trop brutalement.
Les envies d’avancer, mais aussi de ne pas changer.
Les nouveaux amis, les amoureuses, bientôt les enfants
Et les bons copains d’antan qui nous connaissent par coeur.
Ce moment impensable où on ne comprend plus
Celui que, pourtant, on connaît comme un frère.
Ses blessures, ses faiblesses, ses espoirs, ses drames…
Il leur faudra bien voir la réalité en face,
Surtout il leur faudra se regarder les yeux dans les yeux
Et accepter le temps qui passe
La calvitie, le ventre bedonnant, l’envie de moins de sorties
Les chemins différents, les vacances avec les enfants
La carrière à gérer, la voiture à remplacer
Les amis qui restent, les amis qui s’éloignent,
Les amis qu’on aime encore mais qu’on voit moins souvent
Les amis qu’on n’aime plus mais qu’on voit de temps en temps
Les autres, si nombreux, qui s’immiscent entre eux.
Une femme, un patron, ou moi
Leur nouvelle réalité, et qui sait ?
Un nouvel élan pour leur amitié