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Bouc émissaire

Publié le 13 juillet 2011 par Yelyam


Bouc émissaire

Je ne l’avais vu qu’une seule fois, j’ai échangé une politesse et une petite blague.

Après, je l’ai recroisé deux, trois fois et les seuls mots échangés étaient « bonjour, comment tu vas ? »

Pas de « ça va, merci » en retour. Ça ne nous intéressait même pas…

Je ne me suis jamais posé de questions sur lui. Jamais demandé s’il était sympa ou renfermé.

En vrai, il suscitait en moi une complète indifférence.

Tout au plus, je connaissais son nom et je parvenais à l’associer à son visage. 

Très vite, pourtant, j’ai senti une gêne parmi les amis communs.

Une crispation quand ils parlaient de lui, un blanc, le passage d’un ange…

Des non-dits, des pensées retenues, des non invitations.

J’ai fait le lien entre lui et leurs réactions. 

J’ai réagit à chaud, leur disant qu’il était snob.

J’ai demandé des explications.

On m’a répondu qu’il ne m’aimait pas. 

On m’a répondu que cela faisait des mois qu’il refusait de venir quand j’étais là

Il m’était totalement indifférent et moi j’avais pris toute la place dans sa relation avec ses vieux amis.

En vrai, c’est impossible cet écart entre ce qu’il suscite en moi et ce que je représente pour lui

En vrai, on m’a donné le rôle du bouc émissaire.

En vrai, il a un problème avec ses amis. 

Mais c’est difficile à comprendre, cela

C’est compliqué à expliquer, charger un tiers est plus aisé

C’est pas facile à vivre ce passage vers la trentaine et le reste

La bande d’amis qui s’aiment tant, qui se sont promis de jamais se lâcher

Ces amis qui ont tout vécu ensemble : le bon, le mauvais, les souvenirs, les premiers émois

Ces petits mecs qui se voient devenir des hommes.

Ils sont arrivés à ce moment fragile 

Entre l’adolescence qui s’est étirée un peu trop longtemps

Et l’âge mature qui arrive malgré tout trop brutalement.

Les envies d’avancer, mais aussi de ne pas changer. 

Les nouveaux amis, les amoureuses, bientôt les enfants

Et les bons copains d’antan qui nous connaissent par coeur.

Ce moment impensable où on ne comprend plus

Celui que, pourtant, on connaît comme un frère.

Ses blessures, ses faiblesses, ses espoirs, ses drames…

Il leur faudra bien voir la réalité en face, 

Surtout il leur faudra se regarder les yeux dans les yeux

Et accepter le temps qui passe

La calvitie, le ventre bedonnant, l’envie de moins de sorties

Les chemins différents, les vacances avec les enfants

La carrière à gérer, la voiture à remplacer

Les amis qui restent, les amis qui s’éloignent, 

Les amis qu’on aime encore mais qu’on voit moins souvent

Les amis qu’on n’aime plus mais qu’on voit de temps en temps

Les autres, si nombreux, qui s’immiscent entre eux. 

Une femme, un patron, ou moi

Leur nouvelle réalité, et qui sait ? 

Un nouvel élan pour leur amitié



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