Proust et la religion

Publié le 14 juillet 2011 par Perceval

Proust ( juif par sa mère ) est élevé dans la religion catholique.

S’il est agnostique, il semble gêné par une laïcité qui désaffecterait les églises ( article 1919 :  « La Mort des cathédrales » ).

« On peut dire que grâce à la persistance dans l’Eglise catholique des mêmes rites et, d’autre part, de la croyance catholique dans le  cœur des Français, les cathédrales ne sont pas seulement les plus beaux monuments de notre art, mais les seuls qui vivent encore leur vie intégrale, qui soient restés en rapport avec le but pour lequel ils furent construits » et encore « Quand le sacrifice de la chair et du sang du Christ ne sera plus célébré dans les églises, il n’y aura plus de vie en elles ».


Dans  « La Recherche … » Le narrateur n’est ni juif ni homosexuel. Albert Bloch est l’écrivain israélite assimilé et honteux de ses origines. Charles Swann est le prince des élégances mondaines, juif et dreyfusiste. La religion catholique est rattachée à une France profonde et superstitieuse …

  • La religion de la beauté ?

La seule religion célébrée par Proust n’est pas seulement, celle de la Beauté, celle-ci n’étant pas sans ambigüité …( nous en reparlerons ... )

Il semble que Proust affectionnait une certaine « religiosité » :

Voici deux passages:

- Celui-ci est situé juste après le célèbre épisode de la madeleine :

« Je trouve très raisonnable la croyance celtique que les âmes de ceux que nous avons perdus sont captives dans quelque être inférieur, dans une bête, un végétal, une chose inanimée, perdues en effet pour nous jusqu’au jour, qui pour beaucoup ne vient jamais, où nous nous trouvons passer près de l’arbre, entrer en possession de l’objet qui est leur prison. Alors elles tressaillent, nous appellent, et sitôt que nous les avons reconnues, l’enchantement est brisé. Délivrées par nous, elles ont vaincu la mort et reviennent vivre avec nous. »


- L’autre est consacré à la mort de Bergotte ( La prisonnière ):  ci-dessous Anatole France

« Certes les expériences spirites pas plus que les dogmes religieux n'apportent de preuve que l'âme subsiste. Ce qu'on peut dire c'est que tout se passe dans notre vie comme si nous y entrions avec le faix d'obligations contractées dans une vie antérieure; il n'y a aucune raison dans nos conditions de vie sur cette terre pour que nous nous croyions obligés à faire le bien, à être délicats, même à être polis, ni pour l'artiste athée à ce qu'ils se croie obligé de recommencer vingt fois un morceau dont l'admiration qu'il excitera importera peu à son corps mangé par les vers, comme le pan de mur jaune que peignit avec tant de science et de raffinement un artiste à jamais inconnu, à peine identifié sous le nom de Ver Meer. Toutes ces obligations qui n'ont pas leur sanction dans la vie présente semblent appartenir à un monde différent, fondé sur la bonté, le scrupule, le sacrifice, un monde entièrement différent de celui-ci, et sont nous sortons pour naître à cette terre, avant peut-être d'y retourner, revivre sous l'empire de ces lois inconnues auxquelles nous avons obéi parce que nous en portions l'enseignement en nous, sans savoir qui les y avait tracées, ces lois dont tout travail profond de l'intelligence nous rapproche et qui sont invisibles seulement - et encore ! - pour les sots. De sorte que l'idée que Bergotte n'était pas mort à jamais est sans invraisemblance. » 


La religion de Proust est empreinte de religiosité païenne et chrétienne, elle est dénuée de morale. L’art est son moyen ( médium ) d’expression …

" Je suis allé le voir sur son lit de mort rue Hamelin ... un homme qui donnait vraiment l'impression d'un dépouillement total ... on peut dire que c'était ce qui restait de quelqu'un qui avait laissé son oeuvre le dévorer  jour après jour ". François MAURIAC