Dans son Musée des ombres - qui, je crois, n'a pas été traduit -, Bufalino décrit les lieux, les métiers, les visages et les langages d'un temps et d'une culture défunts. Ce n'est pas le Far-West, c'est le Far-Sud, dit la quatrième de couverture. Il commente ici les deux proverbes suivants: ‘L'omu solitariu o è armali o è Diu.’ (L'homme solitaire est un animal ou il est Dieu.) ‘Sulità sanità.’ (Solitude sainteté.)
"Île et solitude font isolitude. Souvent, il m'a plu de recourir à ce mot inexistant pour traduire le sentiment d'être sicilien. Seuls dans l'incendie de juillet, lorsque l'on n'oit qu'une cigale s'épancher dans la torpeur immobile de la plaine; et le garde à cheval, fusil en bandoulière, qui surgit de l'horizon, ne semble pas tant provenir des stéréotypes d'un film ou d'un livre que précéder, porte-enseigne, une horde de fantômes corpulents... Seuls sur une terre qui, tourne et retourne, dans quelque direction que l'on aille, cesse contre une barrière de mer; une terre aux boyaux de lave, qui tressaute sur les eaux comme une barque à tous vents, disposée comme aucune autre aux naufrages, aux catastrophes... Seuls, enfin, dans un lit: ne rêvant à personne; rêvés par personne... Il en ira pour la solitude d'un double destin. Elle sera tantôt subie comme un stigmate, tantôt vantée comme un blason: selon que le proscrit obéit à une urgence de société et de compagnie; ou, au contraire, dans un sursaut d'orgueil, qu'il ceint entre les quatre murs de sa tanière la couronne du saint et du Père éternel."
Gesualdo Bufalino, Museo d'ombre,
Bompiani, 1993 (nuova edizione accresciuta).