Monologues du trouduc’

Publié le 17 juillet 2011 par Sophielucide

(Ou parle à mon cul ma tête est malade)

« - Plus de 1500 spectacles à l’affiche, mais comment on va faire ? Que choisir ? Oh la la, j’ai mal à la tête…

-   T’inquiète, on fait comme d’hab’, au hasard, enfin presque…

-   Oh, regarde : « Monologues du Pénis », ça a l’air instructif…

-   No way ! Tu vois, c’est pas si compliqué, si tu enlèves toutes ces merdes qui surfent sur les sujets Marie-Claire,  l’horizon, d’un  coup s’éclaircit … on ne va tout de même pas se recueillir face aux sujets bateaux du quotidien morbide du couple en perdition, sinon autant rester à la maison…

-   Ah ? donc, « ta gueule, je t’aime », ça ne te dit rien non plus ?

-   Que dalle !  Ni « Moi, mon mari, mes emmerdes » , n’insiste pas j’te dis, et va pas me sortir un truc de « psy » à deux balles, hein….

-   Même pas « Mars& Vénus ? »

-   Surtout pas !

-   Bon, dans ce cas, on fait comme d’habitude en effet, et c’est toi qui choisis….

-   Nous sommes en phase pour une fois, ça fait plaisir.

-   Regarde cette queue devant le Palace, ça doit être bien, si y’a autant de monde….

-   Les chevaliers du Fiel ? Hum, comment te dire…

-   Oui ?

-   Tu vois le logo jaune sur l’affiche, là ?

-   « Vu à la télé », c’est ça ?

-   Ouais, ben c’est pareil, même combat, tu fuis, tu rebrousses chemin, tu prends tes jambes à ton cou, tu déguerpis, tu sniffes la poudre d’escampette et tu t’en vas ailleurs vois si l’herbe est plus verte…

-   Hier tu me disais qu’elle était rouge

-   Ben oui, mais tu vois c’est comme les feux de circulation, ils peuvent passer du vert au rouge si t’y prends pas suffisamment garde

-   Ah, d’accord, tout est si simple avec toi, mais dis moi, on va marcher encore longtemps, là ?

-   Tant qu’on mettra un pied devant l’autre

-   Arrête de me faire marcher, tu veux ?

-   A ta guise, mais je te rappelle que c’est toi qui tenais à visiter Avignon

-   C’est pas une pièce avec Rochefort, ça ?

-   Quoi donc ?

-   Amaguiz…

-   Bon, on va reprendre du début, suis-moi.»

…………………………………….

«  Alors ? Pas dégueu, hein ?

- Heu, je ne sais pas, je crois que j’ai pas bien compris…

- Comment ? Mais quoi ?

- Ben, cette histoire de bobine là. Pourquoi qu’y répète « bobine 5 », bobine 5 », à quoi ça rime ?

- tu te souviens du titre de la pièce ?

- Quand même ! «  La dernière bande » de Samuel Beckett

- Voilà, alors si tu veux, on peut dire que bobine est un synonyme de bande.  La bande magnétique qu’il écoute et sur laquelle il s’enregistre aussi…

- ça, j’avais compris, j’suis quand même pas débile.

- qu’est-ce que tu ne piges pas alors ?

- C’est pas que j’ne pige pas, c’est que je comprends pas bien l’intérêt du truc…

- Ah, t’as pas aimé ? C’est autre chose, dans ce cas…

-  C’est pas non plus que j’aie pas aimé, l’acteur-là, je l’ai trouvé très bien, il est connu, non ?

- Jacques Boudet ? Je suppose, oui.  Un de ces acteurs dont on connait plus le visage que le nom, en effet. Je l’ai également trouvé très bien, très drôle…

- drôle ? Décidément, je me demande si on a vu la même pièce….ça t’a fait rire, toi, cette histoire de banane ?

- j’étais pliée, oui.

- ah ! C’est comme, à un moment, la bouteille qui se débouche toute seule, c’est pas crédible…

-  elle ne se débouche pas toute seule..

-  ben si ! quand même, j’étais assez attentif et j’suis prêt à parier…

- Attention à tes paris, quand même. Souviens-toi de la mise en scène. Chaque fois que l’acteur va boire, c’est pratiquement en cachette, et on ne le voit qu’en ombre chinoise, ce qui d’ailleurs est une vraie trouvaille de metteur en scène….

- Oui, justement. Il y est pas quand elle se débouche.

- m’enfin, c’est comme un appel, tu vois, l’attirance de la dive bouteille..

- Ouais ? Un truc d’intello, quoi ! D’ailleurs, comme par hasard le héros est écrivain… ceci doit expliquer pourquoi ça t’a tant plu….

- Sans doute… tu auras toute de même remarqué que c’est un écrivain raté qui n’a vendu que 17 exemplaires de son livre…. Non franchement, j’ai adoré, comme le vieil homme se fout de ce qu’il écrivait trente ans plus tôt, comme il en a honte même, et comment  quelques mots qui jaillissent ça et là éveillent chez lui bien plus d’intérêt qu’un souvenir grandiloquent… Et sa façon de déguster un mot si anodin soit-il…

- ah, tu veux parler du mot qu’il cherche dans le dictionnaire ? C’était quoi, déjà ? Attends, ne me dis rien, je l’ai sur le bout de la langue… ça alors ! c’est terrible…Ah, je l’ai ! VIDUITE

-  ah, ah, tu vois !

- quoi ?

- ben ce mot,  que tu as retenu, cherché et finalement retrouvé, c’est un peu ça le principe du théâtre…

- Tu trouves ?  Si ça t’intéresse, je te signale que j’ai aussi retenu son sens, le fait de rester veuve, c’est ça ? J’vois pas trop le rapport avec le théâtre, mais si cela te fait plaisir…

- énormément ! j’ai adoré les silences aussi…

- on peut dire, que c’est très long au démarrage…. Et puis ces histoires de clés… après, oui, c’est mieux, lorsqu’on commence à comprendre qui est ce personnage seul en scène, assis à sa table de travail…de là à enfermer des bananes dans un tiroir fermé à clé….

-  qu’est-ce qui te dérange là-dedans ? Tu crois que l’absurde est le domaine réservé des théâtreux, des écrivaillons, des proètes ? Que tu n’y as pas accès ? Que c’est une barrière que tu te défends d’enjamber ?

- mais j’en sais rien, moi ! J’me pose pas autant de questions, moi. Quand je sors, je cherche à me divertir, pas à me prendre la tête…

- Parce que ça t’a pris la tête, cette petite pièce ?

- Non, pas vraiment, mais c’est toi, là….

- Mais c’est toi qui as commencé d’en parler… Moi, dès que je rentre à la maison, j’entreprends des recherches sur l’oiseau-veuve qui a éveillé ma curiosité… ça doit être marrant comme espèce….

- Bon, alors, c’est moi qui choisis le prochain spectacle ! « Complètement givré(ées) »  avec trois comédiennes pétillantes ….

- euh, t’as pas un p’tit creux? »