Pour ce jeudi, j’emprunte encore une fois à Henri Michaux.
Pourquoi Lui ? encore ?
Parce qu’en pulvérisant le cadre dit « habituel », il relativise une partie de moi qui parfois se laisse embringuer, on ne sait trop pourquoi, dans une dérive où je pourrais me mettre à penser que tout va trop bien ou trop mal, selon sans doute ce que j’ai pu manger auparavant ou écouté à la radio, ou n’importe quoi dont tout le monde se moque et moi aussi.
Avec Michaux, je me retrouve délicieusement perchée sur le fil du rasoir, dans un déséquilibre vacillant, à me dire que, quel que soit le côté où je vais tomber, ça sera le bon et qu’il n’y a vraiment pas de quoi en faire une histoire.
Adamante
Bonheur
Parfois, tout d’un coup, sans cause visible, s’étend sur moi un grand frisson de bonheur. Venant d’un centre de moi-même si intérieur que je l’ignorais, il met, quoique roulant à une vitesse extrême, il met un temps considérable à se développer jusqu’à mes extrémités.
Ce frisson est parfaitement pur. Si longuement qu’il chemine en moi, jamais il ne rencontre d’organe bas, ni d’ailleurs d’aucune sorte, ni ne rencontre non plus idées ni sensations, tant est absolue son intimité.
Et Lui et moi sommes parfaitement seuls.
Peut-être bien, me parcourant dans toutes mes parties, demande-t-il au passage à celles-ci :
« Eh bien ? ça va ? Est-ce que je peux faire quelque chose pour vous ici ? »
C’est possible, et qu’il les réconforte à sa façon. Mais je ne suis pas mis au courant.
Je voudrais aussi crier mon bonheur, mais quoi dire ? cela est si strictement personnel. Bientôt la jouissance est trop forte. Sans que je m’en rende compte, en quelques secondes cela est devenu une souffrance atroce, un assassinat.
La paralysie ! me dis-je.
Je fais vite quelques mouvements, je m’asperge de beaucoup d’eau, ou plus simplement, je me couche sur le ventre et cela passe.