Un peu vieille - onze douze ans quand même. Mais elle est belle.
Pour ouvrir l’appétit, Titi sait y faire.
Peut-être une ou deux bricoles à prévoir. Faudra l’astiquer.
C’est toujours pareil. On ne cherche rien. On ne parle à personne. On porte des œillères.
Un coup de fil, c’est pas grand chose.
Et elle vous tombe dans les bras.
Rendez-vous pris le 14 juillet, en début d’après-midi. Une petite rue du Xe arrondissement, planqué entre Magenta et le Canal Saint-Martin.
C’est devenu très bobo depuis dix ans. Mais c’est cool comme quartier.
Bavardage pendant la ballade. On se caille un peu les miches pour une mi-juillet mais le soleil est là. Minimum syndical.
Je la lâche parce que j’ai craqué pour une autre. Et j’ai ma régulière à la campagne. Celle-ci, j’la prends qu’en ville.
Au troisième sous-sol, elle est coincée derrière une Golf. Diesel. Qui lui crache sa fumée mazoutée à la gueule au démarrage.
Boîte à roue déplacée, la belle apparait. Sous-exposée sous les néons fatigués. Trois niveaux en douceur. Pour la ramener à la lumière.
Une petite ballade dans le quartier pour faire connaissance et s’assurer qu’elle n’est pas cancéreuse. Mais Titi, quelques jours plus tôt, avait déjà apaisé certaines craintes.
Elle est bien. Elle a rien fait encore. M’est d’avis qu’elle peut aller loin.
Au retour de la ballade avec la non-cancéreuse, le grand gaillard bobo mais cool fait des ronds sur le bitume du bout du pied.
Alors?
Deux heures plus tard, après les papiers pour officialiser, la belle change de mains.
Passez-moi un coup de fil à l’occase. Pour me dire comment ça se passe.
C’est officiel, Poirpom a fait péter le sept cinquante. En français: achat d’un véhicule d’occasion - une Kawasaki Zephyr 750 de 1999.
Fin des années 80. La firme japonaise veut cartonner. Dix ans plus tôt, les diplômés crobardeurs de la boîte ont pondu La série Z. Des bécanes simples, fiables, dépouillées, efficaces. Un moteur qui tourne, des roues qui tournent, un guidon pour tourner. Et une selle pour poser son cul. Sans le moteur, elles seraient des vélos sans pédales de deux cents kil’.
Rappel: diplômés, les mecs. Ils ont pensé au moulin.
Pendant dix ans, d’autres bricoles voient le jour. Chez eux ou chez d’autres. Avec des gueules de missiles de course. Lourdes, maniables comme des troncs d’arbres harnachés, de l’explosif entre les pattes.
De la brêle à kéké sur périph’.
En 1990, Kawa revient à l’essentiel et présente le Zephyr.
750 cm3, quatre cylindres en ligne face à la route. Deux-cent dix-sept kilos en état de marche. Deux-cent vingt-trois inscrits sur la carte grise.
Le poids des années.
Un moteur. Un four à pain coincé entre les jambes. Mais une souplesse de patineurs artistiques. Deux lignes d’échappement. Longues. Des jambes de basketteur. Une sonorité veloutée. Soupe de potiron au lait de coco. Relevé au Curry. À froid, un bruit de casserole.
Just married
Il y a même une jauge à essence. La classe.
Une gueule de hippie seventies.
Quand on s’assoit dessus, les genoux vont cogner le bloc moteur. En huit jours de conduite urbaine, des hématomes apparaissent.
Érosion des rotules à prévoir sur le long terme.
Le modèle présenté ici accuse moins de 9000 kilomètres au compteur au moment de l’acquisition. Des traces d’oxydation prononcées sur les collecteurs et les échappements. Dont certaines pourront être récupérées avec de la crème à trou d’balle spéciale bécane. Un pneu avant limé vite changé.
Le modèle présenté ici est beau comme un tracteur Carterpillar.
Le modèle présenté ici invite au voyage. Bêta-test grandeur nature.
Ok.
H-30.
Ménage, paquetage. Décollage.