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Ce n’est pas sans émotion que l’on écoute le dernier disque de Yakov Kreizberg enregistré avec sa phalange, sa famille musicale, en janvier et février 2010. Dans un récital de musique russe qui va comme un gant à notre Orchestre philharmonique de Monte-Carlo, en son temps déjà associé à Diaghilev et ses Ballets russes…
Œuvre aussi avantageuse pour le chef que pour ses musiciens, en raison des nombreux soli instrumentaux, Shéhérazade de Rimsky-Korsakov ouvre le programme. Dès le vaisseau de Simbad balloté sur sa mer agitée, la mise en place est stupéfiante. Les contrastes sont bien marqués et l’ensemble baigne dans une gamme de nuances enthousiasmantes.
On ne s’ennuie jamais à l’écoute des quatre épisodes du récit orientaliste et cette Shéhérazade ne manque ni de beauté plastique ni de séduction. Le jeune Prince et la jeune Princesse sont réellement envoûtants. Adamantin à souhait, le violon solo de David Lefèvre, d’un érotisme ciselé, d’une douceur de loukoum, casse vraiment la baraque et achève de nous séduire.
Dans la Fête à Bagdad, on frise l’orgie sonore, sauvage, inquiétante avec en prime cette dimension dionysiaque indispensable à toute fête qui se respecte.
Morceau célébrissime de Borodine, Les Danses polovtsiennes sont tirées de l’Acte II du Prince Igor. Là encore, l’impression est spectaculaire. Beaucoup d'instruments solos, incluant soit la clarinette (dans la danse des hommes) ou le hautbois et le cor anglais (dans la danse des femmes) permettent d’apprécier les pertinentes interventions de nos musiciens qui parsèment çà et là la sensuelle et orgiaque partition. Chœurs simplement parfaits, comme à l’accoutumée sous la direction nerveuse, virtuose, colorée du regretté Yakov Kreizberg qui nous entraîne au cœur d’un spectaculaire exotisme musical russe.
Articulée sur un programme savamment établi entre Voix souterraines, apparition des esprits des ténèbres, adoration d’un démon, sabbat de sorcières, aube naissante avec cloche salvatrice, une nuit sur le Mont Chauve, garde toujours, écoute après écoute, sa fascinante attraction.
Cette fantasmagorie orchestrale, gorgée d’ombres virevoltantes et de lumières apaisantes, déchaînée, grotesquement dansante parfois, trouve dans l’engagement total du chef et de sa phalange une lecture chatoyante, délicieusement angoissante, effrayante dans ses couleurs démoniaques.
Un disque souvenir, testament, qui risque bien d’être désormais une référence absolue pour ces trois piliers du répertoire.
OPMC 003
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