Qu'est-ce qu'un poème ?
C'est du rêve tissé de vrai
Du vrai tissé de rêve
Avec juste une once de faux parfois pour donner un peu de relief au voyage.
Voici un long, long, long, poème que je dédie à Anne. Adamante
J'aime ce pavot offert par Toun, j'en use et en abuse...
Le temps est lourd
Mon bol de café vide
Et le ciel gris
J’ouvre la fenêtre
Pour évacuer la torpeur
Quelle idée ce rendez-vous
Sur une pelouse
Au bord de l’eau
Par un temps pareil !
Depuis une semaine
Je me réveille avec le mal de tête
Encore un oreiller qui ne me convient pas
Je la sens lourde
Comme un pays qui vote à droite.
La pluie d’orage
Vient enfin frapper les carreaux
Mes plantes, je le sens,
Voudraient la recevoir
Bien que traversant une mauvaise passe
Il ne pleut pas encore
Dans ma maison
Alors,
Je remplace le ciel.
De mon pulvérisateur,
L’eau ruisselle
Mes plantes frémissent
Elles retiennent jalousement les dernières gouttes
Exhalent une sorte de frémissement de bonheur
Qui fait ma joie.
Je sors
Mes pas me portent
Le long du canal de l’Ourcq
Le ciel s’est apaisé
Je lui en sais gré
Voici le parc de la Villette
Presque désert
Je suis en avance
Je m’assieds un instant
Un jeune moineau
Intrépide
S’approche de moi
Je n’ai rien
Pas une miette
Je devrais être plus prévoyante
Quelques miettes
C’est si peu.
Je frissonne
« Décidément le vent est froid »
me murmurent les saules
« Il suffirait que les nuages s’écartent
pour qu’il devienne agréable »
Mais ce n’est pas le cas
En fermant les yeux
J’imagine la mer
Le clapotis des vagues
Le vent prend alors un tout autre visage
Il est si simple d’être heureux…
Un peu plus haut
Quelques cerfs-volants maigrichons s’agitent
Pauvres taches de couleurs sur le gris
La corne de la péniche Auber
Résonne derrière moi
Je me retourne
Tout autour de moi le monde s’affaire.
J’aperçois une silhouette
C’est Elle
Je me lève et la rejoins
Je ne l’ai vue qu’une fois
Une rencontre sans parole
Juste quelques regards
Nous étions trop nombreuses
Autour de la table, ce jour-là
Alors...
À la suite
Les mots se sont écrits
Le partage est né
Et d’échange en échange
Sans forcer le destin
L’envie d’approfondir les relations
Naturellement s’est imposée.
Comment cela va-t-il se passer ?
Nous marchons de concert
Échangeons quelques propos
Sans importance
Pas de timidité pourtant
Nous balisons tranquillement
Le chemin de notre découverte.
L’eau nous accompagne
Tout n’est que paix
À la veille de ce 14 juillet qui se prépare .
Nous longeons le canal
Jusqu’à Stalingrad
Puis
Nous remontons
Vers le parc des Buttes Chaumont
Chaque pas nous fait progresser
Vers la connaissance de l’autre
Nous nous installons dans ce rythme naturel
Accordées au temps
Sans hâte ni retenue
L’herbe nous accueille un moment
Je me livre un peu plus avant
Je lui offre de partager
Quelques fruits de ma passion de vie
Elle
M’écoute
Se coule dans mes propositions
Semble y prendre plaisir
Mais l’humidité
Exacerbée par le vent qui nous est fidèle
Nous fait repartir.
Marcher nous réchauffe
Bien que nous n’ayons pas eu
À rompre de glace
Nos propos se font plus légers
Plus personnels
Quelques essences en contrebas
Près d’un étang
Attirent mon regard
Je m’arrête
Je lui désigne le décor
Nous partageons cette beauté
En silence
Puis nous descendons vers le lac.
Un banc au soleil nous accueille
Comme elle est agréable cette chaleur
Qui nous chauffe le dos
En face
Sur une digue à fleur d’eau qui leur est réservée
Quelques canards et bernaches font une pause
Ils s’affairent à leur toilette
Non loin de là
Deux corneilles s’activent avec ardeur
Elles percent le sac en plastique d’une poubelle
Et se régalent des trésors qu’elle contient
Tout le monde est heureux ici
Quelques pigeons,
Fidèles à leur réputation,
Tournent en faisant leur cour
Autour de belles, indifférentes.
Celles-ci nous observent
S’approchent
Puis s’éloignent
Nous n’avons rien
Toujours
Peu après elles se ruent vers un homme
Un Saint François des villes
Qui vient de s’asseoir sur un banc
À quelques pas de nous
Sa main plonge dans un sac
En ressort
Et avec le geste caractéristique du semeur
Le vieil homme lance des graines
Pigeons et moineaux s’agglutinent, se bousculent
Ils semblent affamés,
Le vieil homme sourit
Il a rompu sa solitude
Le temps d’une visite au parc.
Nous ?
Nous goûtons la paix
Le bonheur de l’eau
De cette faune joyeuse
De ces phrases tranquilles
Qui nous disent
Nous révèlent
Un peu
Beaucoup
Sans qu’il soit nécessaire de développer.
Vian, Prévert, Trakl, Char, Tardieu
Nous accompagnent un instant…
Insensiblement le temps s’écoule
Il est l’heure de rentrer.
Près d’une bouche de métro
Nos chemins se séparent,
Sereins.
©Adamante