Les salariés ont des congés payés : nous on ne travaille pas, on glande de cinq heures du matin à vingt trois heures. Je vous rappelle à toutes fins utiles que la phrase assassine qui revient aussi fréquemment que le son “Dance Floor” de Fun Radio, c’est :”As-tu l’intention de retravailler un jour ?”. C’est peut-être pour cela que les anglo-saxons utilisent l’expression Stay At Home Dad en initiales : S.A.H.D.
Le mois d’août, qui nécessite une préparation en deux temps avec sa phase logistique et sa phase psychologique, est un évènement particulier dans la vie de la famille.
Ah j’oubliais un détail : au commencement était La Poste et son chèque de vingt et un euros. Le courrier nous suit sur le sable chaud. Il peut, quelquefois se révéler aussi douloureux qu’une piqûre de méduse. Tout ça parce qu’à cette époque de l’année on guette deux nouvelles d’une importance capitale : l’allocation de rentrée scolaire et le coup de matraque du syndic. Quand je pense qu’en mai 68, un malin écrivit sur les murs que l’arme préférée du pandore était le sexe de l’impuissance.
Voilà pouquoi cette période a une drôle de saveur amère : celle de la rentrée.
Dès le mois de juin commence le marathon des négociations, pour décider de ce que l’on va mettre dans le coffre de la voiture. Avec une infinie patience on va utiliser la pédagogie pour démontrer que le véhicule de papa n’est pas un trente cinq tonnes Norbert Dentressangle.
Madame, comme tous les ans nous explique que cette année ce sera diffèrent : elle n’emportera pas autant de bagages que les autres années, elle achètera sur place. Au finish c’est au moment de fermer que l’on découvre sur le trottoir, une pile de sachets, paniers, sacs congélation, et le plus important : la balance.
La lunette arrière va disparaître progressivement, derriére ce confort domestique qui nous suit partout.
On craint l’impact sur le pare-brise. A ce propos, j’entends régulièrement ce message publicitaire qui nous explique que “l’autre jour mon client avait une fissure” : je conseille à Carglass de revoir sa pub sinon on va tous finir chez le proctologue.
Mais la trêve estivale est aussi ce moment délicat où il ne faut pas perdre la face sur les réseaux sociaux. Tous, ils sont tous là à se regarder tels des acteurs de Sergio Leone : le premier qui dégaine le smart-phone aux Bahamas, il a une tête d’avance.
Alors que faire ?
- On pourrait dire qu’on loue à Bandol ou sur les hauteurs de Cassis ?
- Non mon Papounet il faut savoir reconnaître ses échecs : désactivons nos comptes en faisant croire qu’on va se “re-ssour-cer”…parce que la photo traditionnelle sur la plage avec les parasols, les canisses et les poubelles :”vacances propres”, ça commence à bien faire.
J’ai donc procédé à la fermeture annuelle, en jetant un dernier regard sur la “demande d’ajout à la liste d’amis”….sait-on jamais.
Se ressourcer ? On aurait du choisir le Mont Gerbier des Joncs.
Youpi, on va partir !!!!
“Cinq heures du mat’ j’ai des frissons
Je claque des dents et je monte le son
Seul sur le lit
Dans mes draps bleus froissés
C’est l’insomnie
Sommeil cassé”
(Philippe Bourgoin – Gérard Presgurvic)
Me voilà seul dans la cuisine face à un thermos de café et les minis pains de chez Paul, sortis anesthésiés du congélateur, mais qui restituent aussitôt leur stock de matière grasse : l’euphorie s’empare de moi, le cholestérol suivra. Dix heures pour rejoindre le sud. Dix heures de stress les yeux rivés sur les rétros, le compteur, le bitume, les anges de la route qui veulent me faire la fête et me prendre la tête à coups de radars.
Après quelques minutes de trajet, un doute envahit les passagers : on a oublié quelque chose, ça on en est sur, mais quoi ? L’eau qui n’a pas été coupée, l’électricité, les serrures, les chargeurs, non ! Les sandwiches sont restés à la maison : retour à la case départ. On en a tellement rêver de ce pique-nique coincé entre décharge et pompe à essence que ce serait dommage de passer à côté.
Mais c’est promis-juré, quand on arrive à la Marsiale on se paie une arménienne avec la bière et les mezzés.
Il y a aussi tous ces noms qui font le charme de ce voyage : Aire de Darvault, Aire de Mionnay, Aire de Communay, Aire de Mornas. Et toujours ce sentiment qu’une aire d’autoroute est plus
Ou alors….
Un mentos au premier qui repère le technicien de surface ! Non un mentos et un kinder…
Papa !!!!!!!!!!!!!!! La dame avec la blouse bleue elle sort des toilettes avec son balai. C’est notre Harry Potter à nous….ou plutôt à elles : elle a oublié de faire l’espace réservé aux hommes.
De toute façon je n’ai pas le choix. Tu t’imagines qu’Info trafic, annonce que la circulation est ralentie à la hauteur de la raffinerie de Feysin parce qu’un automobiliste a voulu satisfaire un besoin naturel. Tout le monde ayant sorti le portable pour saisir le petit oiseau qui allait apparaître.
Bon je vous passe sur les “on est presqu’arrivé ? ” répétés tous les vingts kilomètres, les “chéri parle moi , je m’endors” demeurés sans échos, les disputes, les pleurs simulés et les rires forcés.
Une fois la voiture vidée, ou plutôt le champ de bataille déminé, c’est la joie des retrouvailles :
- Mon dieu qu’est ce qu’elle a maigri ta femme…
- Oui c’est le sport…
- Moi je dis que c’est Dukan…
- Non c’est le sport…
- Tu as fait le Dukan mais tu veux pas le dire….
Je mets rapidement un terme à ce dialogue diététique, parce qu’il était en train de me rendre boulimique.
Chers tous, il faudrait parvenir à saisir que ce moment de détente, où les parents vont faire les courses, les lits, préparer le repas, mettre la table, laver le linge…bref reproduire tout ce qu’ils font d’habitude mais au soleil, cette parenthèse merveilleuse n’est pas propice à certains mots tels que régime, Grèce, tsunami, dette, primaires, F.M.I. , etc…
Voilà pourquoi je suis parti seul sur la Corniche Kennedy, à six heures du matin, avec mon Mp4 et cette chanson de Fugain :
C’est un beau roman, c’est une belle histoire
C’est une romance d’aujourd’hui
Il rentrait chez lui, là-haut vers le brouillard
Elle descendait dans le midi, le midi
Ils se sont trouvés au bord du chemin
Sur l’autoroute des vacances
C’était sans doute un jour de chance
Ils avaient le ciel à portée de main
Un cadeau de la providence
Alors pourquoi penser au lendemain…
(Paroles : Pierre Delanoë Musique : Muchel Fugain)
Où sont mes étés d’antan ? Où sont mes 20 ans ?