Cacophonie du matin, chagrin

Publié le 18 février 2008 par Stella

Si au royaume des aveugles, les borgnes sont rois, personne ne règne encore dans celui des sourds. La place est à prendre et la police est à faire. En attendant, nous fabriquons lesdits sourds à tour de bras. Principal incubateur : le métro, surtout le matin. Dans les voitures bondées, lorsqu’il n’est plus possible de sortir son bouquin et encore moins son journal, y compris le gratuit qui nous a été brandi sous le nez et que l’on a saisi, désespéré, faute de quoi il y aurait eu grand risque de choir dans les escaliers, le pékin du matin se retranche derrière son lecteur MP3. L’oeil embrumé fixé sur la ligne bleue des Vosges, le poing convulsivement serré sur l’infortuné gratuit, l’auditeur captif s’évade sur le fil de la musique.

Le problème est d’ordre volumétrique. Lorsque l’on est pris en sandwich entre un amateur de rap, un partisan de la techno et un admirateur de Madonna, on ne sait plus où donner de l’oreille. Aucun d’eux ne prête la moindre attention à la momie coincée entre tant de courants divers, tout occupés qu’ils sont à vaincre par l’intensité les sons importuns venus de la concurrence. On rêve, dans ces instants, de tomber sur un amoureux de Mozart ou de Bach. Ah, avec quelle volupté nous nous serrerions alors contre cet être d’exception, tentant de saisir quelques accords majeurs et rêvant d’un ailleurs où le scherzo nous emporterait pour toujours.

Mais la réalité est dure, et l’enfer c’est les autres. Nous restons à subir sans autre forme de procès la cacophonie chuintante de ces appareils perfectionnés qui déversent jusqu’à la nausée des tombereaux de décibels dans des portugaises de plus en plus ensablées. Allez, réjouissons-nous, car il paraît que bientôt, on aura des écrans de télévision dans tous les métros. TF1 va raser gratis ! C’est chouette, non ?

Crédit photo : Piotr Bizior/Stock Exchange