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Le Pater d'Anissa Carmen

Publié le 29 juillet 2011 par Odezenne
Y doit être 15h, enfermé dans une piaule universitaire en quarantaine, c'est dimanche. Le campus est déguisé en hôtel pour la saison, ça sent le neuf vieux. Je balaye la pièce en 360. Beaucoup de jeunes ont dû baiser ici… Pas grand chose dans le coin à part du gris, je ferme les yeux. On va jouer? On va pas jouer? On veut jouer? On veut pas jouer? On dort, on verra bien… De toute façon, on fera forcément un truc soir-ce. D'un côté de la vitre, le temps est déprimé; de l'autre, l'enthousiasme ambiant est un peu celui que provoque un jeu d'mots merdique comme la pluie qui tapine et s'applique à faire mouiller l'sol. Un frisé vient nous chercher dans le hall :
_"Aie pepito! el primero concierto fué annulado cabrone. " - Quelque chose dans l'genre. -
Okay, donc y'a peu de chance qu'on joue quoi. Le mec nous emmène quand même sur le festival au cas où. Les techniciens s'affolent, refont la scène démontée, y débâchent, essuient le sol, les machines, replug le tout. Des mecs dans des nuages continuent à nous cracher dessus, des enfants pissent, bâtards!
_"Bon c'est simple, c'est comme vous voulez, soit vous montez, soit on annule. La sécu veut bien tenter l'coup, à vous de voir les gars."
Le coeur basse trop. C'est toujours la même merde avant de monter sur scène, donc on se fait des câlins comme des petits pds ou des frères qui partent en guerre. On chante du vaudou pour arrêter l'eau du ciel, ça marche pas mais les gens dansent. C'est cool quand les gens dansent… les lumières s'éteignent, happy end.
1h30: objectif boire du whisky dans la ville. L'euphorie en sortant d'un concert, c'est un peu comme après un exam' ou quand t'as rangé ton appart' : tu veux fumer un joint, t'es fier de toi, faut fêter ça. En bas d'un escalier en pierre, dans une cave, des gens jouent le jazz. Une nana boudinée dans sa robe chante bien, sa voix est pulpeuse et moite, elle a de magnifiques yeux de vaches avec des grands cils. Au premier rang, on est saoul, on décompresse, on danse sur ses incantations à elle.
Assez vite ça "jam" et assez vite on se retrouve à rapper avec des jazzeux. Le verre à la main donne le courage, le micro dans l'autre fait le reste. Le micro parle tout seul de toute façon, il dit ses propres mots, il est libre et bourré et dans la salle des gens crient. Les musiciens nous écoutent et ils sourient, on écoute les musiciens et on sourit, les gens nous écoutent et ils sourient. Est-ce que c'est ça la grande famille du jazz?? Deux nanas au bar m'agrippent le bras:
_ "Heyy!  C'est la batteurrr d'Avishai Cohen la pelsonna qui joué avec tou!!! tou té rend compte!!"
_ " C'est qui Anissa Carmen?"
El z'entendent pas ou elles comprennent pas, j'sais pas. Je lance donc un "moui Biaine!!" heureux.
Alleluia!! Je retourne à mon whisky. En apesanteur, je flotte sur un nuage musical bio. Après c'est brouillon, y a une plage et du vent sur ma gueule, un hall d'hôtel de luxe, y'a un hamster et une blanche aux gros seins qui se prend pour une danseuse africaine. Après c'est le matin, c'est ma tête écrasée sur l'oreiller et des souvenirs intactes d'images floues, un air de piano surtout et le Pater d'Anissa Carmen dans mon cerveau mou.
- al -
Le Pater d'Anissa Carmen

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