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Les Matons de Panurge
Publié le 12 juillet 2011 par BerthnerPendant que les élites de notre société s’endormaient en comptant les moutons du politiquement correct, un écrivain tentait de nous garder éveiller en jouant avec les voyelles de ces mêmes bestioles.
Dans la lignée de Raymond Aron, précurseur en la matière, qui publiait en 1955 « l’Opium des Intellectuels », lui, dénonçait les mêmes égarements quelques 33 ans plus tard. Alternant avec malice et sûrement délectation les a, o, e, u, i que nous articulions avec application, à l’époque où l’apprentissage de la lecture ne passait pas encore par la méthode globale.
C’est sur ces mêmes bancs d’école, que nous regardions les illustrations de ces livres, que nous ne parvenions pas encore à déchiffrer, avec une admiration et une envie de savoir.
Je me souviens de l’un de ces textes dont la gravure représentait une caravelle, pas celle de Sud Aviation mais celle du découvreur de l’Amérique, qui s’éloignait toutes voiles dehors pendant que des moutons, se jetaient allègrement dans une mer déchaînée en essayant de surnager parmi leurs congénères d’écume.
Ce n’est que plus tard, lorsque nous apprîmes à déchiffrer la combinaison de voyelles et de consonnes qui formait les mots et donnait à l’imagination un support sur lequel elle n’avait plus qu’à se laisser aller que j’appris l’histoire de Panurge et de ses pauvres moutons.
Ces derniers, en entrant au paradis des animaux entrèrent du même coup dans l’histoire personnalisant à tout jamais ceux qui ont choisi de se comporter comme le troupeau, de se conformer à une idée dominante tout en éliminant tout sens critique.
Notre écrivain-jongleur s’inspira de ces créatures un tantinet stupides pour créer des néologismes superbes.
C’est ainsi que Philippe Muray, car c’est de lui dont il s’agit nous fit découvrir « les mutins de Panurge » et son pendant « les matons de Panurge ».
Ce dernier est plus sinistre, jouant du sophisme et du conformisme ambiant, il est prêt à tout pour faire taire les voix qui s’opposent au consensus du politiquement correct.
Véritable dictature de l’esprit, sournoisement elle vous culpabilise. Dans une société de plus en plus individualiste, paradoxalement jamais le modèle de la pensée unique n’a été aussi présent et dangereux.
Des quotas, à la discrimination positive tout est fait pour enfermer l’individu dans une société lisse, où règne le « politiquement correct » dans ses aspects les plus burlesques et les plus sinistres comme le disait l’un des plus brillants magistrats de Londres, le juge Neil Denison :
« Dans ces aspects les plus outranciers, le politiquement correct est tout simplement ridicule. Mais lorsqu’on y réfléchit plus sérieusement, il y a derrière tout cela quelque chose de bien plus sinistre qui est démontré par le simple fait qu’il existe déjà des sujets de sociétés où la liberté de parole dans sa définition du droit à une discussion ouverte et sincère est progressivement mais inéluctablement érodée. »
Il est bon ici de rappeler ce que disait Voltaire : « Je ne suis peut-être pas d’accord avec vos idées, mais je me battrai pour que vous puissiez les exprimer »
Aujourd’hui, penser différemment est pêché mortel, et il faut battre sa coulpe tout en murmurant entre ses dents serrés « Et pourtant elle tourne ».
Cette nouvelle religion dont le terrorisme intellectuel est l’inquisition, jetterait aux flammes des autodafés de la bien-pensance, des chefs-d'œuvre de littérature, ou musicaux, qui n’ont pourtant qu’une vingtaine d’années.
Cette approche témoigne de la faillite d’un système. Celle du système éducatif où les humanismes, au sens des matières littéraires, historiques et philosophiques, ont perdu leur prééminence au profit des matières scientifiques, alors qu’il aurait fallu conserver un équilibre salvateur.
La maïeutique Socratique a été remplacée par le prêt à mâcher, le prêt-à-penser, remplaçant l’apprentissage de la réflexion par des camps de rééducation permanente.
À Monaco notre système éducatif est le même que celui de l’Éducation Nationale française, nos professeurs sont majoritairement français et nos programmes sont les mêmes qu’en France, avec ses variantes.Mais nous commençons à subir le dictat de la pensée unique.
Quand on lit les rapports des divers organismes du conseil de l’Europe et autres, on a l’impression de se retrouver plonger au début du siècle en Bretagne, en Corse, en Alsace, où parler votre langue régionale vous valait une paire de baffes, ou vos coutumes et vos traditions, vos lois devaient être remplacer inexorablement par celle de la République.
Et pour faire appliquer ces rapports, nous avons nos « Gauleiters », véritables commissaires politiques, ils sont malheureusement le plus souvent monégasques, car les autres connaissent les faillites du système ayant vécu à l’étranger, et ils ont pu trouver ici une harmonie où les différends se situent au niveau d’un salut non rendu à l’âge de cinq ans, ou du chien du trisaïeul qui avait été écrasé par le chariot du lavoir que conduisait l’arrière-grand-oncle du voisin.
Et malgré cela, petit à petit l’ombre des matons de Panurge grandit !