Tryptique

Publié le 12 juillet 2011 par Berthner


Une appréhension de notre système politique ne peut se passer du petit bréviaire dont vous trouverez le lien ci-dessous, à savoir sa constitution.
Adaptée aux spécificités du pays, elle prête à sourire à certains et peut même leur faire pousser des cris d’orfraie, devant un système qui leur semble archaïque et hors du temps. Le seigneur des lieux détenant l’ensemble des pouvoirs exécutifs, exercés par le biais d’un gouvernement qu’il nomme et qui est irresponsable politiquement, sauf devant sa personne.
Comme tout système politique, où la dose de démocratie telle le pastis noyé dans un tsunami d’eau dans lequel surnagent quelques icebergs miniatures laisse au breuvage un goût anisé aux effets aseptisés, nous ne nous disserterons pas sur celui-ci et encore moins sur la célèbre définition du « pouvoir du peuple, par le peuple, pour le peuple».Il suffit de jeter un regard circulaire sur les démocraties de ce monde pour se retrouver perplexe, ce qui me pousse à m’interroger sur le niveau des démocraties modernes, me disant qu'un « permis de voter » comme « un permis de se présenter » serait un moindre mal, surtout lorsque la régression du niveau politique de nos chers représentants, met à mal la théorie de l’évolution.
Mes détracteurs me citeront Churchill en me rappelant que la démocratie est le  pire de tous les régimes à l’exception de tous les autres. Et je partagerai entièrement cette opinion, mais je leur ferai également remarquer que les peuples ont les gouvernements qu'ils méritent ! Ce qui d'ailleurs, toute chose étant égale par ailleurs, ne les absout pas du choix de leurs représentants, ici comme ailleurs.
Car cette évolution régressive est générale et trouver des représentants de la nation, ici ou ailleurs, qui aient l’envergure requise pour marcher sur les traces de leurs prestigieux prédécesseurs relève de la gageure. Les vicissitudes de la communication moderne et le règne de l’image instantanée ayant transformé la représentation démocratique en un pouvoir confisqué, au service d’un parti, lui-même au service des ambitions personnelles d’un candidat, et chez nous d’un gouvernement puisque l’intérêt pour ce dernier est de gambader joyeusement sur « le chemin de la moindre résistance ».
Mais nous reviendrons sur cette considération plus tard. Pour le moment, il suffit de comprendre que le système politique monégasque est un triptyque iconique, où chaque panneau représenté jouit d’une taille différente suivant sa fonction.
C'est ainsi que les articles 3, 4 et 5 de notre constitution définissent le partage des pouvoirs chers à Montesquieu ainsi qu’à tous ceux soucieux d’éviter l’arbitraire
L’Icône centrale : Le Prince  
Figure centrale et fondamentale de notre pays, celui-ci ne pourrait exister sans le Prince, il se doit d’être au-dessus des partis et de gouverner le pays tel un despote éclairé, sans aucune notion péjorative, en adaptant le pays aux contingences de son époque, en toute indépendance d’esprit.
Garant de l’indépendance de ce pays, le Prince qui suivant l’article 12 exerce son autorité souveraine en conformité avec les dispositions de la Constitution, représente la Principauté dans ses rapports avec les puissances étrangères (Art 13), signe et ratifie les traités internationaux sous certaines conditions (Art 14)
L’article 88 nous explique que le pouvoir judiciaire appartient au Prince qui le délègue aux cours et tribunaux qui rendent la Justice en son nom, non sous un chêne planté dans le bois de Vincennes comme le faisait le bienheureux Saint-Louis le neuvième du nom, ni sous un des pins de la place du Palais Princier, ce qui se serait fort bien prêté à notre climat méditerranéen.
Non, la justice se rend les tribunaux du palais de Justice où telle l'épée de Damoclès, pend aux murs des salles d’audience un crucifix.
Ce particularisme fait pousser des cris d’horreur à certains, encore traumatisés par «l’exorciste» de Friedkin ou simples adeptes de la plainte déposée contre l’Italie pour qu’elle retire les crucifix des murs écoles.
Catholique non pratiquant, me considérant comme déiste, je n’ai aucune difficulté à considérer ce crucifix comme le témoignage de notre culture judéo-chrétienne et non une quelconque incitation à pratiquer l’ordalie, dans laquelle l'accusé devait prouver son innocence ou son bon droit par le biais d’épreuves cruelles, dans lesquelles il laissait le plus souvent sa vie ce qui, paradoxalement, l'innocentait.
Ainsi, contrairement à ce que certains aiment à penser ou à ce que d’autres plus fanatisés se plairaient à voir, l’accusé n’est pas jeté, lié dans un sac dans le grand aquarium du musée océanographique pour voir s’il surnagerait, ni forcé d’assister tel l'"Alec" d' «Orange Mécanique» à un spectacle qui le traumatisera à tout jamais comme les débats du Conseil National (notre parlement local)
Le deuxième panneau : Le Conseil National     
Issu du suffrage populaire, élu par les Monégasques pour cinq ans, il est leur représentant et exerce, conjointement, avec le Souverain, le pouvoir législatif, comme précisé par l’article 66: « La loi implique l'accord des volontés du Prince et du Conseil National. L'initiative des lois appartient au Prince. La délibération et le vote des lois appartiennent au Conseil National. La sanction des lois appartient au Prince, qui leur confère force obligatoire par la promulgation.»
Ainsi ils débattent des textes qui sont soumis à leur sagacité, ce qui permet à ces "GM" de s'exprimer, d'une manière pas toujours très claire, m’obligeant à quitter mon écran d'ordinateur pour brûler un cierge devant l'effigie de Saint Axe, en lui demandant de ne pas les oublier dans ses prières.
Ces deux premiers panneaux sont les figures principales du triptyque. Interdépendants et par essence symbiotiques, ils ne peuvent s’ignorer et toutes décisions ne doivent être prises qu’après avoir été mûrement réfléchies. Elles ne peuvent être imposées ni par un côté, ni par l’autre, le seul guide devant être l’intérêt général.
La principale faiblesse de ce système,  comme de tout système, est le facteur humain.
Le Prince pouvant être guidé par des conseillers, autochtones ou étrangers, dont le seul agenda est leur propre ambition et leur seule ambition leur enrichissement personnel sur le dos de l’État et du Souverain, tout en nuisant à son image et en le discréditant auprès de son peuple. Un peu comme ces immortels dont nous avions parlé dans un blog récent.
C’est cette même faiblesse qui se retrouve du côté du Conseil National. On peut y voir trop souvent des hommes et femmes de petites envergures (chez nous l’égalité homme femme est appliquée dans certains cas) qui considèrent la fonction d’élu comme un moyen d’accéder à une gloriole quinquennale qui leur permet de pavaner leur titre dans les cocktails, entre une poignée d’amuse-gueule et une coupe de champagne, sous l’œil narquois d’un public amusé de leurs prétentions et réprimant difficilement le sourire sarcastique que procure le spectacle de la suffisance derrière laquelle ces parlementaires d’un genre nouveau cachent une redoutable incapacité doublée d’une servilité de premier choix. Cette dernière n’étant trahie que par l’ombre courbée que projettent à leurs passages les lumières des salles de réception.
Le Troisième panneau : Le Gouvernement  
Ce troisième panneau est lui d’une taille plus modeste, en effet l’article 43 précise que le gouvernement est exercé, sous la haute autorité du Prince, par un Ministre d'État, assisté d'un Conseil de Gouvernement. Ils sont suivant l’article 50 responsable devant le Prince.
Cheville ouvrière, il est là pour mettre en place les décisions souveraines, et les défendre devant nos élus.
Nommé, et irresponsable, sauf devant le Souverain, il oublie souvent qu’il n’est qu’un fusible. Sa fonction étant entre autres de faire tampon entre le Prince et les représentants du peuple.
Mais « Vanitas vanitatum, et omnia vanitas », et ne le voit on pas, prendre indépendance de son Souverain, pleurnicher, imposer, tempêter, menacer les élus de rapporter au Souverain leur indocilité.
Il règne par procuration. Et ces menaces pourraient rester vaines et leurs effets nuls, si trop souvent des conseillers nationaux, n’avaient délibérément choisi de se faire gardien de harem, pour pouvoir jouir de faveurs ou de regards appréciateurs sur leur docilité, leur diligence à s'incliner en bons clercs d'une chambre d'enregistrement.Bons élèves d’une classe de 24 qui suivent les instructions du professeur au doigt et à l’œil, laissant au piquet leur capacité de réflexion et leur autocritique, préférant être éduqués au lieu de s’instruire, quémandant du regard une approbation gouvernementale et se confondant en remerciements apologétiques, les yeux humides de reconnaissance.
Il est tout aussi étonnant de voir le peu de temps qu’il faut à des hommes issus de la République Française, formés sur les bancs des écoles de cette dernière (la plupart de nos ministres  sont français) pour oublier les conceptions qui leur ont été dispensées depuis leur petite enfance. Un peu de pouvoir, un zeste de monarchie et les voilà transformés en fermier général de l’Ancien Régime considérant les représentants du peuple comme le Tiers État.
Le choc du retour en France doit être rude, car nombreux sont ceux qui ont fait des mains et des pieds pour conserver l’un de ces derniers à Monaco. On prend rapidement goût au pouvoir surtout quand il est rarement partagé, car comme le disait Malraux, ce qui est intéressant dans le pouvoir c’est l’abus.
C’est avec le même amusement attristé que l’on constate de quelle manière les icônes et les iconoclastes se confondent. À la fois Hyde et Jekyll, ils s’autodétruisent, perdus comme toujours dans leur propre égo.