Au bas du rocher, entre le Monaco de Malizia et celui de Charles III, à quelques encablures du port se trouve la Condamine. C’est le quartier populaire, celui de la truculence et de la verve, celles de Daudet et de Pagnol, celles des pays du sud où le ciel et la mer parlent d’une même couleur.
En haut de la petite montée qui mène à la place d’Armes, sur la gauche, se trouvait un vieux pin. Le soleil faisait tomber ses aiguilles en cascade d’ombres, l’âge et les éléments avaient courbé son tronc pour lui permettre de prêter discrètement une oreille indiscrète à toutes les conversations. Ces bavettes qui se taillent le panier à la main et la langue pas dans la poche, entre le boucher, le maraîcher ou sur le zinc, en ajoutant à la musique des mots le ballet aérien des mains qu’elles interrompent brusquement pour fondre, tels des oiseaux marins, les doigts luisants de la cuisine du soleil, sur le morceau de pissaladière ou de socca, en commentant entre deux noms de volatiles Monégasques, les derniers évènements du pays.
Il se dressait là, le pin centenaire, à deux pas des arcades qui donnent à cette partie de la place d’Armes, un air de la rue de Rivoli, le chocolat de chez "Angelina" en moins.
Mais il gênait et on l’a abattu, sans doute en avait il trop entendu et il aurait pu se laisser aller à quelques confidences.
« Il paraît qu’il était malade, le pôvre, alors on l’a euthanassié ! », un peu comme ces pauvres chiens que l’on accuse d’avoir la rage pour pouvoir s’en débarrasser plus facilement.
Selon certains experts légistes arboricoles, la souche montrait des signes de bonne santé évidente, mais qu’importe, maintenant au moins il paraît que les bus peuvent passer suivant le nouveau schéma de circulation, et comme ils roulent au diester, on n’a pas de soucis à se faire pour respecter le protocole de Kyoto. Mais celle-là, comme les habitués du marché, le vieux pin ne l’avait pas entendu !