30 juillet 1818 | Naissance d’Emily Jane Brontë

Publié le 30 juillet 2011 par Angèle Paoli
Éphéméride culturelle à rebours

   Le 30 juillet 1818 naît à Thornton, dans le Yorkshire, Emily Jane Brontë.

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  Emily Jane, quatrième fille d’une fratrie de six enfants, est la fille du révérend Patrick Brontë, Irlandais de souche paysanne et modeste, et de Maria Branwell, issue d’une famille de Cornouailles de onze enfants. À la mort de son épouse en 1821, mort survenue peu après la naissance d’Anne (janvier 1920), le révérend confie la marche de la maison à Elisabeth Branwell, soeur aînée de Maria et l’éducation de ses cinq filles à l’institution de Cowan Bridge, destinée aux enfants d’ecclésiastiques désargentés. Peu préparées à subir les duretés de la pension de l’école anglicane de Cowan Bridge, Maria et Elisabeth, sont emportées par la tuberculose. Emily et Charlotte rentrent à la maison où elles jouissent de la liberté de courir à leur guise la lande qui servira de décor à leurs œuvres. Les enfants Brontë se divertissent en se livrant à des jeux d'écriture et s’inventent des héros. Les Légendes d'Angria [ Legends of Angria], récits « noirs » issus de l’imagination collective des trois sœurs avec leur frère Branwell, voient le jour à cette époque.
  Après des années turbulentes où chacun des enfants essaie de gagner en indépendance, les trois sœurs Brontë choisissent l’écriture comme moyen de supporter la dureté de l’existence. Mais les Poésies des sœurs Brontë, publiées en 1845, ne remportent pas le succès escompté ! Elles se lancent alors dans le roman. Les éditeurs refusent Le Prophète, roman de Charlotte, dont le Jane Eyre connaîtra un immense succès en 1847. Le roman d’Anne Brontë, Agnès Grey, est accepté. Quant au roman d’Emily Brontë, Wuthering Heights (Hauts de Hurlevent ou Hurlevent), il déconcerte critiques et lecteurs tant par l’originalité de sa forme que par la peinture exacerbée des passions.
  Dans un article publié dans The Common Reader en 1916, Virginia Woolf écrit à propos de Wuthering Heights : Emily Brontë “fill these unrecognisable transparencies with such a gust of life that they transcend reality. Hers, then, is the rarest of all powers. She could free life from its dependence on facts, with a few touches indicate the spirit of a face so that it needs no body; by speaking of the moor make the wind blow and the thunder roar.” [Emily Brontë « possède le plus curieux des pouvoirs : celui de libérer la vie de sa dépendance à l’égard des faits. Avec quelques touches, elle sait évoquer l’âme d’un visage et rendre le corps superflu ; en parlant de la lande, elle fait souffler le vent et gronder le tonnerre. »]

HURLEVENT

XI ( EXTRAIT)


  Quelquefois, alors que je pensais toute seule à ces choses, je me levais dans une brusque terreur et mettais mon bonnet pour aller voir ce qui se passait à Hurlevent. Je me persuadais qu’il était de mon devoir de mettre Hindley en garde contre ce que les gens disaient de lui ; puis je me souvenais de ses mauvaises habitudes invétérées et, désespérant de le convertir, je renonçais à pénétrer de nouveau dans la sinistre maison, craignant de ne pas être écoutée.
  Un jour, allant à Gimmerton, je fis un détour et franchis la vieille barrière. C’était à peu près l’époque atteinte par mon récit ; l’après-midi était clair et glacial, la terre dénudée, la route dure et sèche. J’arrivai à une borne où la grande route bifurque vers les landes sur la gauche. C’était un gros pilier de pierre friable qui portait les lettres W.H. Entaillées dans la direction du nord, G. à l'est, et T.G au sud-est. Il sert de poteau indicateur pour la Grange, Hurlevent et le village. Le soleil dorait sa tête grise, et, je ne sais pourquoi, cette image de l’été fit affluer à mon cœur de vieilles sensations de mon enfance. Hindley et moi avions une prédilection pour cet endroit vingt ans plus tôt. Je contemplai longuement ce bloc usé par le temps et, comme je me penchais, j’aperçus à la base un creux encore plein de coquilles d’escargots et de cailloux que nous aimions mettre là en réserve avec d’autres menues choses. Soudain, je crus voir apparaître, avec toute la force de la réalité, mon jeune compagnon de jeux d’alors ; il était assis sur l’herbe desséchée, sa tête brune et carrée penchait en avant, et sa petite main creusait la terre avec un morceau d’ardoise. « Pauvre Hindley ! » m’exclamai-je involontairement. Je tressaillis. Mes yeux abusés avaient devant eux, ils en étaient sûrs, l’enfant qui levait sa figure et me regardait fixement ! Cette vision s’évanouit en un clin d'œil, mais je me sentis aussitôt le désir irrésistible d’aller à Hurlevent. Une idée superstitieuse me pressait de suivre cette impulsion... S’il était mort ! Me disais-je... ou s’il allait mourir bientôt et que ce fût un présage de mort !... Plus j’approchais de la maison, plus mon trouble grandissait, et, quand elle fut en vue, je me mis à trembler de tous mes membres. L’apparition m’avait devancée et se tenait là, regardant à travers la barrière. Ce fut du moins ma première idée en voyant un petit garçon aux cheveux comme frisés par la main des fées, aux yeux foncés, qui appuyait son frais visage contre le bois. Après une minute de réflexion, je songeai que ce devait être Hareton, mon petit Hareton, pas très changé depuis que je m’étais séparée de lui, dix mois plus tôt.
  ― Dieu te bénisse, mon chéri, criai-je, oubliant aussitôt mes craintes. Hareton, c’est Nelly, Nelly, ta nourrice.
  Il recula et ramassa un gros caillou.

Emily Brontë, Hurlevent (Wuthering Heights), Éditions Gallimard, Collection folio classique, 2005, pp. 136-137. Traduction de Jacques et Yolande de Lacretelle.



■ Emily Jane Brontë
sur Terres de femmes

27 juillet 1839 | Emily Jane Brontë



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