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Phénomène des '3C' à Cotonou ou quand la coiffure vient à la rescousse de l’école

Publié le 03 août 2011 par Podcastjournal @Podcast_Journal
PLAN DU SITE Recherche d'évènements à venir (indiquez un mot significatif) Dans la capitale économique du Bénin, pratiquement chaque ruelle possède son atelier de coiffure. Parfois même, on en dénombre deux ou plus dans une seule rue. Logés dans des locaux dont la surface ne dépasse pas, pour la plupart 12m², ces lieux de beauté capillaire sont devenus par la force des choses les centres de reconversion de plusieurs milliers de jeunes filles déscolarisées.
Pour bien cerner la problématique, je pris contact avec une apprentie-coiffeuse répondant au prénom d’Aubierge. Elle a choisi délibérément de ne pas me donner son patronyme dans le but sûrement de ne pas en rajouter à sa gêne.
Ainsi, il sonnait à peine 7h quand Aubierge fit son apparition devant le local qui tient lieu de salon de coiffure pour sa patronne. Après les salutations d’usage, elle me donna un siège pour m’asseoir en attendant qu’elle s’apprête. Pour elle, le rituel est immuable, depuis 14 mois que ses parents l’on inscrite à cet atelier de coiffure : réveil à 6h suivi de quelques travaux domestiques, de la douche et puis direction le salon. Ici à son arrivée, elle doit balayer la petite salle principale assez bien équipée et la véranda qui fait office de salle d’attente pour les clientes. Une fois cette première étape franchie, elle doit sortir une partie du matériel et le panneau publicitaire des accessoires de coiffure vendus dans l’atelier et qui sert en même temps de support de réclame pour les différentes prestations en matière de recharge de crédit pour téléphone cellulaire. Bien évidemment, chaque objet doit être minutieusement disposé au risque d’encourir la colère de dame Geneviève Soton, responsable et unique actionnaire de l’entreprise "Adonis Coiffure".
Aubierge n’a pas dérogé à cette tradition. Trente minutes après son arrivée, tout était déjà disposé. Entre temps, trois de ses amies et collègues apprenties coiffeuses l’ont rejoint pour les préparatifs. Tout en prenant note, je pose la première question à Aubierge pour savoir combien d’apprenties coiffeuses travaillent dans le salon ? J’ai eu droit d’abord à un concert de rire de la part des quatre jeunes filles avant qu’Aubierge ne se décide à me réponde. Elle me fait savoir qu’elles sont au total onze à apprendre le métier chez dame Geneviève Soton. Trois sont actuellement en congé de libération. Elles sont donc, actuellement, huit à venir tous les jours de la semaine, sauf le lundi, au salon pour se faire former. Je lui demande sans attendre si elle connaît les autres salons de coiffure aux alentours. Après s'être concerté avec ses amies, elle me fait comprendre qu’en considérant la rue d’avant et celle après la leur, il y en a sept. Elle ajoute un détail fort intéressant à savoir que les sept ateliers de coiffure forment environ quatre-vingts cinq jeunes filles au métier de coiffeuse. En réalité, le cas de ce sous-quartier de Cotonou n’a rein d’exceptionnel tant il vrai que les salons de coiffure foisonnent dans la ville. Désormais, salon de coiffure ne rime plus avec luxe puisqu’ils pullulent dans la capitale économique du Bénin. Fini le temps où l’on se faisait faire des coupes par "la coiffeuse du quartier". En effectuant un tour dans la ville de Cotonou, c’est une pléthore d’ateliers de coiffure qu’on dénombre (sauf dans les différents résidentiels), allant du plus sophistiqué et spacieux au plus vétuste et exigu. Pour être belles et agréables aux yeux de leurs maris, de leurs amants, de leurs confidents ou de leurs concubins, les femmes de Cotonou sont prêtes à délier leur bourse ou même à faire des sacrifices en dépensant de coquettes sommes d’argents.
Ainsi donc, les salons de coiffure, les centres d’esthétique, les boutiques de cosmétique et les hangars de tresse, autrefois peu répandus, sont pris d’assaut par les Béninoises. Quelle raison justifie cette prolifération si l'on sait que le capital pour ouvrir un salon bien équipé n'est pas à la portée de tous ? Pour la propriétaire de "Cathy Esthétique", Nadia Araye, "c’est normal que tout le monde cherche à exercer un métier pour assurer son quotidien, raison pour laquelle le domaine de la coiffure intéresse plus d'une personne qui espère y trouver son gagne pain". Interrogées, plusieurs représentantes de la gente féminine estiment que ce pari sur la coiffure s'explique par le fait que les femmes béninoises sont attirées par tout ce qui est esthétique et qui a trait à la beauté. La coiffure serait donc un moyen parfait, pour ne pas dire idéal, non seulement pour se faire de l'argent mais aussi pour être belle à tout moment. Olga, la patronne de "Madone Coiffure", située dans le très populaire quartier de Sènadé a une autre explication concernant le pullulement des salons de coiffure : "Toutes les jeunes filles qui n'ont pas réussi dans le milieu scolaire optent pour la coiffure et, une fois leur diplôme en poche, elles veulent coûte que coûte ouvrir un salon. Encore que certaines ouvrent des salons sans aucune expérience du métier mais juste parce qu'elles en ont les moyens. Avec cette prolifération, le métier devient de moins en moins lucratif". Et Christelle Houndekon de lui emboîter le pas : "ma clientèle a beaucoup diminué et le salon marche beaucoup moins comparativement à mes débuts". Gérante de "Sèdjro Coiffure", la quarantaine bien entamée, elle est convaincue que la situation sera intenable d’ici quelques années si rien n'est fait du côté des autorités pour trouver une autre voie d’issue pour les nombreuses filles quittant prématurément l’école. Partout, les avis sont les mêmes concernant le manque à gagner actuel et la raréfaction de la clientèle. Crise économique oblige ! De plus, les charges sont nombreuses et leurs coûts élevés : loyer, factures d'électricité et d’eau, équipements et produits. A cela s’ajoute le succès remporté par les perruques, un sérieux concurrent aux salons de coiffure.
Pour contourner la concurrence et arriver à joindre les deux bouts, nombre de coiffeuses associent à leur activité le commerce. C’est le cas avec dame Céline Azan qui fait savoir qu’en plus de la coiffure, elle vend du prêt-à-porter et des accessoires. Pour elle, les coiffeuses doivent toutes rentrer dans cette logique sans quoi, elles vont déchanter. D’ailleurs, elle estime que des collègues à elle, ne renoncent jamais à l’enrôlement de nouvelles apprenties car c’est aussi un moyen pour elle de se faire un peu d’argent avec les frais d’inscription.
Cependant, nonobstant la pléthore qui s’observe ainsi que ses corollaires, certains salons de coiffure, baptisés, à juste titre ou non, institut de beauté ne désemplissent point, surtout les week-ends. Ils sont tellement saturés qu’il faut s’y rendre le plus tôt possible pour espérer en sortir en début d’après midi. Une fois arrivé et installé, on se retrouve devant toute une industrie bien organisée avec des apprentis coiffeuses prêtent à vous prendre en charge. Dès que la patronne ou la gérante est renseignée sur vos attentes et désirs, vous êtes confiés aux apprentis et là il y a tout un circuit à suivre. Suivant l’ordre d’arrivée, vous vous ferez laver et sécher les cheveux, avant d’être mises à la disposition de celle qui se chargera de réaliser la coiffure souhaitée sous l’œil vigilent de la gérante. Mais, il est à préciser que la "coiffeuse en chef" se charge toujours de finir les coiffures de toutes ses clientes afin d’y laisser sa touche personnelle.
A part les services qu’offrent les salons de coiffure à savoir tissage, maquillage, tresses, coiffure, pédicure-manucure,…, certaines femmes n’ont pas hésité à nous faire comprendre qu’elles utilisent leur temps chez la coiffeuse pour se retrouver et partager ensemble leurs déboires conjugaux, d’autres encore pour critiquer les écarts de conduite avérés ou non de leurs amies ou connaissances. On a comme l’impression que ce temps perdu chez la coiffeuse est une manière de s’évader de la pression courante de la semaine de travail et celle découlant de la gestion du foyer.
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