Avec Hell sur la Piazza Grande, le jeune Suisse Tim Fehlbaum a fait figure de révélation.
C’est une première belle surprise à valeur de découverte, qui a marqué les premiers jours de cette 64e édition du Festival du film de Locarno avec la projection, sur la Piazza Grande, du premier long métrage du jeune réalisateur suisse Tim Fehlbaum, déjà gratifié du Prix du meilleur réalisateur au dernier Festival de Munich.
Dans le genre largement représenté aujourd’hui des films d’après le déluge nucléaire, les clichés redondants font souvent florès. Fuite dans les décombres de quelques âmes pures, lutte pour la survie, menace latente de bandes sauvages ou même cannibales : c’était aussi le canevas du magnifique roman de Cormac McCarthy intitulé La Route, dont un film a été tiré par Johm Hillcoat.
Or le premier « long » de Tim Fehlbaum réinvestit le thème post-apocalyptique avec la même force poétique et la même quête de rédemption, jusqu’à la scène finale du salut matérialisé par l’eau de source, qui pourrait illustrer la fable de McCarthy.
Avec la fuite éperdue de trois jeunes gens (Marie, sa sœur Leonie et Philip) à travers un univers calciné – le film a été tournée dans les forêts de Corse incendiées en 2009 -, l’affrontement terrifiant des fugitifs et d’une espèce de secte tribale dominée par une vieille femme (la grande comédienne allemande Angela Winkler, magistrale), et l’échappée finale ramenant un peu d’espoir dans cet univers, Hell pose autant la question de la régression humaine que celle du dépassement de notre condition.
« Nous avons travaillé le sujet avec beaucoup de soin », remarque Tim Fehlbaum en évoquant ses nombreuses lectures, dont Sa Majesté des mouches de William Golding. « C’est certes un film de genre », renchérit le scénariste Thomas Wöbke, mais nous nous sommes efforcés d’éviter les stéréotypes autant que les effets spéciaux trop spectaculaires
Si le soleil, source de vie, devient ici puissance dévastatrice, l’élément lumineux est fondamental dans Hell, véritable poème visuel (on pense parfois au sfumato des images filtrées d’un Sokourov) qui doit beaucoup, aussi, au chef opérateur Markus Förderer, dont c’est également le premier long métrage.
Enfin l’on relèvera la qualité de présence des interprètes, à commencer par Hannah Herzsprung et Lisa Vicari, les jeunes sœurs en fuite, qui donnent son frémissement humain à cette évocation saisissante de notre avenir… tout proche puisque « cela » se passe en 2016 !