D907, D901, D104 et Cie… Impassibles, à longueur de...

Publié le 06 août 2011 par Fabrice @poirpom

D907, D901, D104 et Cie… Impassibles, à longueur de kilomètres, ces routes se déroulent. Des bécanes, des voitures, des caravanes, des camions, des pneus, elles en ont vu des tonnes leur passer dessus. Mais vraiment. Des tonnes.

Pourtant, au fil des ans, elles se montrent toujours aussi généreuses avec les passants. Les bords et les alentours chargés de cadeaux. Beaucoup sont, d’une certaine façon, invisibles.

La D901, par exemple, qui commence sa course à quelques kilomètres au Nord Est de Mende et se déroule jusqu’aux Vans, et même après. Le premier virage sert uniquement à franchir la petite voie de chemin de fer coincée là. Passage à niveau catégorie méchant-tape-cul. Quatre cales de bois entre les deux rails. La route longe ensuite le Parc National des Cévennes qu’elle offre en spectacle sur sa droite. Une cinquantaine de bornes à chatouiller les caillasses et la verdure de la Lozère. Entre Villefort et Les Vans, elle fait une incartade par le Gard. Quelques bornes. La pointe nord du département. Enfin, sur les derniers kilomètres avant Les Vans, elle offre un nouveau délice: l’Ardèche. Du sec, de l’air chaud, qui étouffe en comparaison de la fraicheur des roches cévennoles.

Des oliviers apparaissent.

Ces changements de décor, de faune, accompagnent une autre altération, clairement invisible: les odeurs. Un glissement imperceptible s’opère. Soudain, après une grande inspiration, le choc. Le picotement de l’air sec, le parfum difficile à définir.

Plus acide? Plus amer?

Les adjectifs sont un cauchemar. Souvent impossible de trouver celui qui colle, qui décrit, qui parle.

Et merde.

Sur la route vers les Gorges de l’Ardèche, trois enragés de la poignée scintillent dans le rétro. Feu rouge de régulation du trafic sur une route étroite et haut perchée. KTM Duke, Triumph Street Triple, Kawasaki Z750. Zéro humour. Ils sentent le cuir de leurs combinaisons et la plaquette de frein.

En arrivant sur les gorges, ça sent le mazout. Celui des Break Laguna, des camping cars et des camionnettes qui ramènent les canoës par paquets de douze. Trois quarts d’heure à quarante à l’heure, coincé entre les pare-chocs. Tout le monde veut faire trempette. Stationnement sauvage en bord de route. Allure de limace sur une feuille de salade.

Le gros du troupeau a la délicatesse de s’arrêter au creux des Gorges, autour de Vallon Pont D’Arc. Peu grimpent. Là-haut, pas d’eau, pas de mini plage, pas de bouée, pas de canoë. Mais des odeurs. Une. Celle de l’Ardèche. Et des virolos par centaines sur un tarmac honnête. Propre.

Entre les pif-pafs, le parfum du coin et la chaleur, les coups de chaud sont réguliers dans l’après-midi. Et les Perrier-rondelle, en terrasse, sont un nectar. Malgré les glaçons qui fondent à vue d’oeil. À celle du Serre de Bar des Vans, un mec est calé à côté. Il sent la crasse. Cette odeur âcre qui vient se planter direct dans les sinus. Il parle de la secousse qui a fait trembler l’Ardèche la veille au soir.

Fin de journée. Le sec devient lourd, le ciel s’assombrit. Déambulation autour de Pont-Saint-Esprit. Camping. Reste un emplacement. Mois d’août. Moche et caillassé. Le ciel est de plus en plus noir.

Ok.

Montage de la tente en sept minutes contre dix en temps normal, voire quinze à la cool. À la quatrième minute, des gouttes se font sentir. À sept minutes trente, tar-mo et minimum vital sous la toile.

Fausse alerte. Un quart d’heure de pisse, à peine. Suffisant pour faire remonter les odeurs. Eau de pluie contre terre sèche. Eau de pluie contre moteur brûlant.

Après la petite averse, apéro et dîner s’installent. Ça sent le Ricard et la Suze. Sous le bungalow de l’emplacement n°42, grillade de côtelettes de porc, de merguez et de chipos.

Après l’apéro, le dîner, le digeo, le deuxième et le p’tit dernier pour la route, l’Italie est foutue, la Grèce est foutue, le Portugal est foutu et la France va payer pour tout le monde. Mais la droite, c’est tous des pourris, et la gauche, c’est des trous d’balles. La seule solution, ce serait une bonne guerre.

Ça sent mauvais.

Calé sous la toile de tente, l’odeur des buissons délimitant l’emplacement s’agrippe aux narines.

Et merde.