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Une histoire de femme

Publié le 09 août 2011 par Paumadou

Une histoire de femmeCe matin, elle s’est réveillée un peu plus tôt. Un léger inconfort. Depuis deux ou trois jours, elle sait que ça va arriver. Bah, c’est normal !

Elle est restée allongée, se tournant et se retournant pour trouver une position plus confortable. Se rendomir quelques minutes, histoire de ne pas, en plus, être crevée. Mais rien à faire. Alors elle se lève.

Une douche chaude, ça efface tout soit disant. Ça réveille aussi. Jusque là encore endormie, elle s’était dit : « Tiens, ça va, j’ai connu pire. » Elle se dit toujours ça.

En sortant de la douche, qu’elle a pris soin de bien rincer derrière elle, le froid la rattrape. Son corps se crispe. Elle a quelques minutes de plus non ? Elle peut prendre une seconde douche… plus chaude. Son ventre,  ses reins… si elle pouvait s’asseoir…Un bain serait l’idéal, mais elle doit aller travailler. Elle verra ce soir.

Elle ne prend pas le temps de déjeuner, elle a la nausée. Ça passera… elle se rattrapera à 10h sur son paquet de gâteaux. Au cas où, elle glisse une tablette de chocolat supplémentaire dans son sac.

Les vibrations des transports en commun pourraient être agréables, si elle était assise. Mais le bus est bondé, elle arrive à peine à se tenir à une barre verticale. Son mal de ventre, désormais, rayonne sur le haut de ses cuisses, comme des courbatures. Sauf qu’elle n’a pas fait de sport. Être debout est un supplice.

Elle arrive au boulot, blanche et épuisée. Pourtant elle s’est couchée tôt, pourtant elle n’est pas une petite nature. Enfin, elle peut s’asseoir à défaut de se plier en deux. Elle reprend quelques couleurs, se dit que finalement, tout ça va passer. Dans quelques minutes, il n’y paraîtra plus. Mais elle doit se relever, courir d’un service à l’autre, remettre un dossier, taper une lettre de toute urgence, courir, s’occuper. Et garder le sourire, être polie, comme si de rien n’était.

Heureusement, elle fait des arrêts fréquents aux toilettes. Pour s’asseoir, se reposer et vérifier que rien ne transparaît. Se mouiller le visage, se remaquiller pour éviter cette pâleur affreuse, et sourire, forcément, sourire parce qu’on est quelqu’un de poli.

Vers midi, la nausée est passée, mais il n’y a que des pâtes mal cuites et de l’oeuf baveux à la cantine. Elle évite de discuter, trop concentrée sur son ventre qui envoie des coups de poignards. Ses collègues la trouvent de mauvais poil. Elle s’en fiche, là, elle voudrait juste s’allonger un peu et dormir.

A la réunion de l’après-midi, elle évite le café. « Tu es enceinte ? » lui sort-on. Non, non, elle n’est pas enceinte. Elle n’a juste pas envie que le café excite un peu plus ses muscles endoloris. Et puis finalement, elle en prend un noir, bien serré parce qu’elle a encore 5h avant de rejoindre son lit et qu’il faut bien rester éveillé jusque là. Sans sucre évidemment, parce qu’elle fait attention à sa ligne. Elle s’est déjà enfilé 200gr de chocolat au lait et deux sucres, ça ne serait pas raisonnable. Alors qu’elle en a besoin.

L’après-midi se passe, identique au matin. L’impression de se vider de ses forces grandit.

Le soir, un collègue prend le même bus qu’elle. « Ben alors, t’en as fait une tête aujourd’hui ! » Elle ne répond pas, pas envie, pas la force. « Oh lala ! Si t’as envie de faire ta chieuse, t’as réussi ! » et la comptable, dans le même bus, lui répond avec un air gouailleur : « Laisse tomber, elle a ses règles, c’est tout. »

C’est tout. Elle ne se révoltera pas, pas contre une femme qui lui tape dessus aussi fort qu’un homme. Non, la seule chose à laquelle elle pense, c’est son bain chaud, son lit et le sommeil qui effacera la douleur qui a brûlé son ventre et ses forces toute la journée. Ça arrive, c’est normal.  Et ça recommencera le mois prochain. C’est ça être une femme


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