wake up guys

Publié le 11 août 2011 par Megalody
Face à la catastrophe annoncée et confirmée par la folle journée de ce mercredi, nous avons rendez-vous avec l'histoire. Car la crise actuelle ne résulte pas d'une inévitable fatalité économique ou d'une éphémère folie financière. Elle est la conséquence de politiques socialement criminelles, mensongères et amorales, qui, si elles ne sont pas défaites par les peuples, entraîneront nos sociétés dans une spirale de violences. Aussi est-il temps d'imposer des solutions s'attaquant à la racine du mal : réalistes parce que radicales.

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« Le monde est au bord du gouffre par la faute d'un système irresponsable », déclarait le 3 octobre 2008, dans la foulée du discours solennel de Toulon, l'invisible premier ministre de Nicolas Sarkozy, François Fillon. Trois ans après, nous basculons dans ce même gouffre par la faute de ces gouvernants irresponsables. Qui pourrait décemment faire encore confiance à des dirigeants qui n'ont même plus l'excuse d'avoir été pris par surprise ou de s'être trompés par conviction ? Ils savaient ce qu'il en était puisqu'ils le proclamaient eux-mêmes, dans une stratégie de diversion verbale où leurs discours cachaient la réalité de leurs actes, qui les démentaient.

C'est l'occasion ratée de 2008 qui, aujourd'hui, se paye. Et elle fut ratée en toute conscience par ces pompiers incendiaires qui nous tiennent lieu de gouvernants, venus au secours des banques avec notre argent public sans exiger de contrepartie, sans entrer à leur capital, sans les placer sous contrôle... Ainsi remis sur pied, le système financier est reparti sans rigoureuse régulation et sévères garde-fous, sans réforme du système bancaire, sans taxation des mouvements de capitaux, sans interdiction de spéculer sur les dettes des Etats, sans sanction des paradis fiscaux, sans transparence sur les mouvements spéculatifs, sans rien de tout ce qui était annoncé et promis. Bref, ils nous ont trompés, menti, trahis.

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Le stupéfiant discours de Toulon envisageait, excusez du peu, de « refonder le capitalisme sur une éthique, celle de l'effort et celle du travail ». Spectaculairement tenue sur Mediapart, la chronique des peu ragoûtantes coulisses du pouvoir n'a cessé de dévoiler ce qu'il en était réellement de ces intentions vertueuses. Affaires Bettencourt, Tapie/Lagarde, Takieddine : pour s'en tenir aux seuls grands feuilletons de l'année écoulée, ce n'est qu'une déclinaison de passe-droits, d'impunités fiscales, de justices sur mesure, de cadeaux financiers, d'arrangements entre amis, de commissions occultes et de financements parallèles. Avec en prime, notamment dans l'exceptionnelle moisson Takieddine, des paradis fiscaux toujours recommandables, des ventes d'armes toujours corruptibles et des dictatures toujours fréquentables.

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Dans leur cruelle vérité, les enregistrements de l'affaire Bettencourt avaient brutalement mis à nu ce monde d'imposture dont l'argent est le seul moteur et la seule valeur. Un monde double, scindé entre son apparence jouée et sa réalité vraie. Un monde factice qui a cette particularité d'être l'envers de ce qu'il prétend. Et ce n'est certes pas ce monde-là qui nous sortira du gouffre où il nous a entraînés.

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L'actuel emballement de la crise est politique avant d'être économique : son récent déclencheur est le putsch d'une agence de notation contre le gouvernement des Etats-Unis d'Amérique. Et ce coup d'Etat financier n'est que le prolongement des spéculations menées en Europe depuis des mois, de la Grèce au Portugal, en passant par l'Espagne et la France, contre des pays, contre leurs finances, contre leurs richesses et, donc, contre leurs peuples. Quel est donc ce monde où l'appréciation fantaisiste de mystérieux sorciers de la finance, incontrôlés et incontrôlables, qui plus est souvent financièrement intéressés à l'effet spéculatif de leurs recommandations, est jugée légitime pour sanctionner la politique d'un pouvoir élu ?

Les « clowns » de Standard & Poor's, pour reprendre le qualificatif sans appel de l'économiste américain Paul Krugman, ne font pas de l'économie, mais de la politique, comme Mediapart l'a précisément raconté. Et pas n'importe quelle politique : celle du pire, aussi bien d'un point de vue démocratique que social. [...]

Ce sont les mêmes en effet qui, en 2008, accordaient les meilleures notes de confiance et de crédibilité à la banque Lehman Brothers jusqu'à sa faillite dans la tourmente des subprimes.

[...] Standard & Poor's n'est qu'une agence de mercenaires de la guerre sociale menée par les spéculateurs contre les travailleurs. A peine avait-elle dévalué la note des Etats-Unis, qu'elle s'empressait de dégrader les organismes américains de refinancement des prêts immobiliers nationalisés durant la crise, c'est-à-dire les instruments créés par la puissance publique pour en réparer les dégâts humains. De même soutient-elle aujourd'hui le triple A français comme la corde le pendu : à la condition explicite que l'offensive antisociale du gouvernement se poursuive.

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Conseiller de Barack Obama et ancien journaliste, David Axelrod voit juste en lançant à propos de S&P : « C'est une dégradation Tea Party. » L'agence de notation n'est ici que le bras financier, comme l'on dirait le bras armé, de la droite extrême américaine, guerrière, impérialiste et raciste, xénophobe et homophobe. Là-bas comme ici, d'une élection présidentielle à l'autre en 2012, ce n'est donc pas une crise financière qu'il nous faut affronter, mais une bataille politique qui appelle un sursaut vital. On ne compose pas avec un adversaire déloyal, aveuglément idéologique et profondément amoral, comme l'a trop longtemps cru le président Obama. Non, on l'affronte, pied à pied, par la construction d'un rapport de force et d'une alternative déterminée.


Aujourd’hui, être réaliste, c’est être radical

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La crise dans laquelle nous sommes plongés est le prix à payer de la contre-révolution néolibérale qui, depuis trente ans, sur notre continent notamment, déboussole les peuples, défait les solidarités et accroît les inégalités. De deux choses l'une, soit nous réussissons à la renverser et à inventer un nouveau cours, européen et national, où les exigences démocratiques et sociales reprennent le dessus ; soit, dans sa fuite en avant provoquée par sa propre faillite, cette contre-révolution économique appellera une contre-révolution politique, génératrice de violences et de haines, de libertés perdues et de solidarités brisées.

Car comment peuvent-ils s'en sortir, sinon en faisant taire les peuples ? A la différence des révolutions, improbables par essence, les catastrophes n'arrivent jamais par surprise, mais toujours par habitude – autrement dit, par renoncements successifs et capitulations cumulées. Loin d'être une exception, la morgue de Standard & Poor's témoigne d'un état d'esprit banal dans ce monde où les politiques ont abdiqué devant les financiers. Ainsi, dans cette Europe qui marche sur la tête, la finance en haut et la politique en bas, la Banque centrale européenne peut-elle imposer ses diktats aux Etats alors même que ses dirigeants n'ont aucun compte à rendre aux peuples.

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l'austérité comme seul horizon et les marchés comme seuls maîtres.

Nous savons donc ce qui nous attend, et cela se joue maintenant. Tout en étant concocté dans une opacité totale qui est, en elle-même, un déni de démocratie, l'agenda du pouvoir est transparent : jouer de la crise comme d'un levier pour rendre encore plus définitive la défaite du monde du travail. Terme religieux, où le fétichisme de la croyance détrône la politique comme volonté, « la règle d'or » sur le pourcentage de déficit, tendue comme un piège grossier à l'opposition de gauche, n'a d'autre but, outre de possibles cacophonies socialistes, que cette pédagogie de la fatalité et de la résignation. L'offensive est en route, et ce ne sont pas des communiqués, interviews, déclarations et petites phrases qui l'arrêteront. Mais une mobilisation, évidemment. Un rapport de force. Une lutte.

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Quant à l'échéance de 2012, celles et ceux qui s'y consacrent devraient savoir qu'une élection n'est jamais un placement spéculatif, mais qu'elle relève d'un travail de tous les jours. Aussi, quand la tragédie s'annonce, le sort des peuples ne saurait être suspendu à un calendrier électoral. Il se joue ici et maintenant. Et, de ce rendez-vous, dépend aussi l'issue électorale. C'est pourquoi nous avons besoin d'une révolte citoyenne, aussi pacifique que majoritaire, qui s'emploie à remettre notre monde sur ses bases. A briser ce cercle infernal où l'argent, devenu la mesure de toute chose, finit par détruire toute valeur.

Edwy Plenel Mediapart, 11/08/2011

Pardonnez moi Mr. Plenel d'avoir repris en partie votre article mais il est trop d'utilité public pour qu'il ne beneficie qu'aux seuls abonnés de votre grand journal

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