Eh ben voilà. Fini les vacances et le ciel bleu. J’ai retrouvé ce matin l’espace climatisé de mon bureau californien et son éclairage au néon (les bureaux privatifs réservés aux management ne disposent pas de fenêtre sur l’extérieur et sont donc éclairés au néon : concession managériale compensatoire de la privation d’espace infligée au personnel subalterne travaillant dans des box, mais près des fenêtres. Ça crée un meilleur esprit paraît-il. Putain de pays socialiste !).
Ces deux semaines en France m’ont semblé une éternité. Une vraie coupure, au point que j’en avais oublié ce matin tous mes mots de passe permettant de raviver mon avatar professionnel endormi dans les méandres du réseau informatique interne de l’entreprise. C’était un retour aux sources après cinq ans sans véritables vacances aux pays, et — vu de Californie — un voyage au bout du monde.
Dans ce monde là, les fenêtres ont de jolis volets et le temps a laissé quelques rides élégantes sur les façades. Les commerces les plus prisés sont les plus petits et n’ont pas de parking réservé. Leur publicité est la marchandise mise en scène dans leur devanture, et n’est pas vue à la télé.
Dans ce monde là, les aliments ont un goût différent. Je veux dire que vraiment, chaque aliment a son propre goût, et on ne se lasse pas d’y goûter, en différentes variations. On achète des bulots frais ici, mais aussi, on goutera d’autres bulots là, parce qu’ils y sont cuits sous nos yeux et que la recette semble originale. Chez le charcutier (un magasin qui ne vend que de la charcuterie !), les saucissons se déclinent en trente trois variétés (j’ai compté), cochon ou sanglier, secs ou mi-secs, pistachés ou aux noisettes, avec ou sans épices… Chez le poissonnier (pareil que le charcutier, mais avec que du poisson !), les poissons ont toute leur tête, et ce n’est pas la congélation, mais la fraîcheur, qui leur confère leur raideur.
Dans ce monde là, on fait sa vinaigrette, et on monte sa mayonnaise. Il y a des vendeurs de vin qui boivent du vin, et des vendeurs de tabac qui fument. Il y a des gens qui font du vélo sans être cyclistes, et qui gardent leur vélo même s’il est rouillé. Ils s’en servent parfois pour se déplacer — pas pour maigrir — ou juste parce que c’est sympa de faire une balade. A la terrasse des cafés, il y a des gens qui lisent les nouvelles sur du papier et boivent un expresso dans des tasses en faïence. Personne ne boit son café en marchant, et même ceux qui ont commandé un sandwich rechignent à l’emporter dans leur voiture pour le consommer.
Dans ce monde là, on n’a pas attendu le relèvement du plafond de la dette pour se faire un bas de laine, un triple A se réfère à une mauvaise andouillette à laquelle il en manque deux, l’Armageddon ne se discute qu’à l’église, et on n’y va pas très souvent.
Oui vraiment, c’est beau la France… En vacance.