Retour aux sources

Publié le 17 août 2011 par Jeff @DagenaisJF
Il y a quelques jours, j'ai reçu un appel d'une importante compagnie de transport de personnes dont la maison-mère est située à Québec. Autobus La Québécoise s'est montré intéressée par mon offre d'emploi.
Je rappelle donc et on me donne un rendez-vous (en deux partie) le lundi suivant pour une première entrevue. L'une des (nombreuses) branches de cette société est sur la rive sud de Montréal, à La Prairie.
Je savais déjà que l'entrevue ne serait pas une partie de plaisir. Je n'avais plus reconduit de « coach » depuis plus de 6 ans et je me suis permis de le rappeler à la personne qui était assise en face de moi. La période de questions s'est pourtant bien déroulée et c'est au moment de me remettre un examen théorique plus poussé que j'ai commencé à douter de mes capacités. La mémoire est une faculté qui oublie paraît-il. C'est peut-être mon cas.
En feuilletant le questionnaire, je me suis rendu compte que les questions portaient aussi bien sur l'aspect technique et mécanique du véhicule que sur la réglementation (Loi 430 de 1998) sur le transport de passagers (en particulier) et qui est assujettie à toutes les entreprises de transport, peu importe leur domaine. Je devais réussir la note de passage ou je ne reviendrais pas. Je l'ai réussi de justesse. Et j'avoue personnellement que j'ai eu chaud.
On me donna donc un deuxième rendez-vous le lendemain à la même heure, soit pour 13h30. Je devais démontrer ma capacité à conduire un autocar. Mais auparavant, j'avais une vérification avant départ à effectuer. Je devais persuader l'employeur que je maîtrisais toujours la bonne technique. Si j'avais un blanc ou si j'avais un doute, il se faisait un plaisir de me rafraîchir la mémoire.
Le but d'une telle vérification est bien sûr d'éviter que des véhicules en mauvais états mécaniques ne se retrouvent sur nos routes. Mais je vous ferai grâce des détails techniques en vous référant au texte Projection et qui explique dans les moindres détails la manière de procéder aux inspections obligatoires. 
Ensuite, lorsque j'ai reçu confirmation que tout était conforme, je me suis assis sur le siège du conducteur. Et j'ai souri. Me retrouver à nouveau sur un tel siège me flattait et je m'étais dit qu'il en passerait de l'eau sous le pont avant que cette occasion ne se représente. J'avais tort.
Bien sûr, j'étais nerveux. Non, j'étais terriblement nerveux. Terrifié à l'idée de commettre une bêtise qui, en l'espace d'une seconde pouvait anéantir mes espoirs de reprendre la route au volant de ce compagnon qui m'en a fait voir des paysages et m'en a fait bouffé des kilomètres de bitume.
Le « road test » a duré une bonne heure en incluant l'inspection. Nerveux vous dites ? C'est vers la fin du parcours que je me suis souvenu d'une chose importante. Non. Obligatoire. La ceinture de sécurité ne me retenait pas. J'avais oublié de l'attacher. Malheur ! En regardant le visage du directeur des opérations par le rétroviseur, il m'avait fait un signe de tête affirmatif.
Cependant, il m'avait répondu ceci : « Au moins tu le sais et puis, faut pas se le cacher, ça m'arrive encore de l'oublier dans un coach. Faut juste y penser plus souvent. ». J'ai quitté le stationnement au volant d'un bus de 45 pieds de long (13.71 mètres) et 145 pouces de haut (3,68 mètres), après m'être assuré bien sûr que l'équipement (miroirs électriques, volant ajustable, air conditionné) était fonctionnel et ajusté à ma conduite.
Lors de cet essai routier, je devais surtout prendre garde à ma vitesse sur les artères principales (50 km/h) de la ville et dans les quartiers résidentiels (entre 30 et 50 km/h). Je devais aussi « balayer » autant la route des yeux que les cadrans qui affichaient devant moi les résultats, en temps réel, des composantes mécaniques et électroniques de mon véhicule.
Nous avons pris la voie rapide de l'autoroute 30 vers l'ouest (Châteauguay) et sommes sortis pour la bretelle de la route 132 ou encore, l'autoroute 15 sud. La sortie 47 pour la rue St-Henri est prise en douceur car la courbe que j'apercevais au loin me semblait bien prononcée pour la longueur et la pesanteur de ce monstre. Ensuite, ce ne sera que virages après virages dans le quartier résidentiel du vieux La Prairie. Ou du moins, à proximité.
Je dois prendre le boulevard Taschereau à gauche et au feu de circulation à droite, le boulevard St-Jean. Pour ceux et celles qui connaissent le coin, vous vous reconnaîtrez certainement. Et enfin, la cerise sur le sundae : la voie ferrée. Car tous bons chauffeurs d'autobus qui se respectent savent qu'il est obligatoire d'immobiliser le car (comme disent les Français) à plus de trois mètres d'une voie ferrée. La réglementation à ce sujet est très claire.
Normalement et dès l'arrêt de l'autobus, je dois ouvrir la porte pour me donner une meilleure vue par rapport à la configuration de ou des voies ferrées. Dans ce cas-ci, la voie est simple. Mais la pluie s'étant mise de la partie, je me suis abstenu d'ouvrir la porte. Les clignotants d'urgence du car actionnées et aucun train dans les parages, je me suis empressé de franchir les rails. Le retour au bercail s'est fait en douceur et dans la bonne humeur.
Le représentant de la compagnie s'est même permis de me rassurer sur le fait que je possède toujours les compétences (mon expérience l'a bien démontrée) pour conduire un autocar. Comme je l'avais mentionné plus haut, l'oubli du port de la ceinture n'affecte en rien mes capacités. Je devrais cependant me soumettre à des mises à jour et des formations plus poussées qui devraient me permettre d'améliorer mes connaissances pratiques et théoriques.
Si je fais le point sur ces deux rencontres, l'entrevue et l'examen de conduite, je peux me permettre d'être fier et d'avoir un sentiment de satisfaction en même temps. Avant de quitter, il m'a demandé de signer certains documents qu'il m'avait demandé de compléter et de lire (surtout) la veille. Un devoir à faire comme il m'avait dit.
Et là, c'est comme si la Terre venait de s'arrêter de tourner. Comme si la réalité venait de me sauter en plein  visage. Il m'a demandé si mon travail de livreur me satisfaisait. Si c'était une période calme dans la restauration et les livraisons. Naïvement, j'ai répondu que ça allait. En vérité, je ne savais pas. Mais ce que je savais par contre, c'est qu'il allait s'informer davantage sur moi et qu'on le mettrait au courant de ma période de convalescence.
Je n'ai pas eu trop le choix. J'ai dû avouer. À voir le visage qu'il a fait suite à cet aveu, un doute est apparu dans mon esprit. On dit qu'une faute avouée est à demi pardonné. « Le meilleur moyen de se faire pardonner est d'avouer sa faute. Une faute cachée se double d'un mensonge alors qu'un aveu est un témoignage d'honnêteté ». 
C'est du moins ce qu'affirme le dictionnaire. Et c'est la raison pour laquelle j'ai voulu me rattraper. J'espère alors qu'il se souviendra de ce proverbe et qu'il me permettra de reprendre le plus beau métier du monde au volant d'un Prevost...