Écrire une icône

Publié le 20 août 2011 par Voilacestdit

On écrit une icône comme on écrit un texte - de même on lit une icône. Car l'icône, à l'instar d'un texte, transmet un message, codé par les formes, par les couleurs, par les matériaux utilisés.
Tous les éléments qui entrent dans la composition d'une icône représentent une part du monde du monde naturel : (1) le bois - tilleul, hêtre, frêne, bouleau... qui sert de support, représente le monde végétal ; (2) les pigments utilisés pour préparer la peinture, le monde minéral ; (3) l'oeuf - qui sert de liant aux mélanges de couleurs,  représente le monde animal ; (4) la main de l'homme enfin, le monde humain.
Une fois la planche soigneusement préparée, enduite de levkas, minutieusement poncée, il faut procéder au dessin. D'abord réalisé sur un papier-calque, le dessin est reporté sur le levkas en couvrant le verso du papier-calque par frottement à l'index de pigments d'ocre rouge. Il suffit ensuite de repasser sur la planche, au crayon dur, les traits du dessin qui restent alors marqués sur le levkas.
Le dessin répond à des structures géométriques et des proportions précises. Ainsi pour le visage :

 

Une fois le dessin reporté sur le levkas, la première opération consiste à dorer, ou argenter, à partir de fines feuilles encollées, certaines parties comme les auréoles.

Vient ensuite la peinture. Fidèles à une pratique ancestrale, les icônes sont peintes a tempera, appelée encore "détrempe à l'oeuf". La tempera, appliquée sur panneaux de bois recouverts d'un enduit, fut la méthode de peinture la plus utilisée dans les temps anciens, jusqu'à la découverte de la peinture à l'huile (attribuée généralement au peintre Jan Van Eyck) au début du XVième siècle.
Pour réaliser une couleur on prend un peu de pigments, prélevés à la spatule, de la couleur de base, éventuellement mélangés à d'autres pigments pour obtenir la couleur recherchée, sur lesquels on dépose à l'aide d'un compte-goutte à peu près le même volume d'émulsion de jaune d'oeuf que le volume de pigments, en écrasant les pigments à la spatule jusqu'à obtenir un mélange homogène, qu'on diluera plus ou moins selon la surface à couvrir.
À titre d'illustration, pour la carnation, la peinture de base, la partie la plus sombre du visage, sera réalisée à partir d'un mélange d'ocre jaune et de rouge vermillon dans la proportion de 4 pour 1, auquel on ajoutera une pointe de bleu outremer. Cette couche de base est appliquée sur tout le visage... dont les traits disparaissent - c'est pour l'iconographe l'expérience de la Nuit... Il faudra retrouver les traits, puis éclaircir progressivement les parties les plus lumineuses du visage - passer de l'ombre à la lumière.


Tout à son sujet, l'iconographe s'en trouve dépossédé : à vrai dire il ne peint pas un sujet mais le laisse advenir. La composition obéit à des règles strictes ; mais il en est de ces règles comme d'un rituel : la contrainte ne dessert pas la créativité, elle la sert au contraire par obligation de (se) dépasser. Écrire une icône relève d'une expérience de vie.


Nous n'appartenons à personne, sinon au point d'or de cette lampe inconnue de nous, inaccessible à nous, qui tient éveillés le  courage et le silence.
[René Char]