Le passeur

Publié le 27 août 2011 par Lael69
Lois Lowry

Ecole des Loisirs
Collection Medium
Traduit de l'anglais (USA) par Frédérique Pressmann
Paru en Mai 1993
288 pages
8,80 euros


Prix Newbery Medal 1994
Roman ados à partir de 12 ans
Thèmes : Mémoire, Société, Courage


Quatrième de couverture : Dans le monde où vit Jonas, la guerre, la pauvreté, le chômage, le divorce n'existent pas. Les inégalités n'existent pas, la désobéissance et la révolte n'existent pas. L'harmonie règne dans les cellules familiales constituées avec soin par le comité des sages. Les personnes trop âgées, ainsi que les Nouveaux nés inaptes sont " élargis ", personne ne sait exactement ce que cela veut dire. Dans la communauté, une seule personne détient véritablement le savoir : c'est le dépositaire de la mémoire. Lui seul sait comment était le monde, des générations plus tôt, quand il avait encore des animaux, quand l'œil humain pouvait encore voir les couleurs, quand les gens tombaient amoureux. Dans quelques jours, Jonas aura douze ans. Au cours d'une grande cérémonie, il se verra attribuer, comme tous les enfants de son âge, sa future fonction dans la communauté. Jonas ne sait pas encore qu'il est unique. Un destin extraordinaire l'attend. Un destin qui peut le détruire.

Le passeur est le premier roman d'une trilogie qui comporte également L'élue et Messager. Il s'adresse à un public jeune même si j'ai trouvé le propos hautement approfondi et complexe sur le thème de la perte de la liberté individuelle.
Dans une société futuriste et utopique, les individus sont formatés pour ne plus ressentir aucune émotion, aucun sentiment pour le bien être de la collectivité. Le comité des Sages attribue à chacun un rôle et une cellule familiale. Des règles de bienséance et de fonctionnement sont établies afin que la communauté puisse vivre en harmonie. Jonas, 11 ans vit avec ses parents et sa petite soeur Lily. Chaque année, au mois de décembre, les enfants doivent participer à une cérémonie. Il y a en tout douze cérémonies qui commencent dès l'âge de un an où l'enfant se voit attribuer sa famille et son nom. Jonas attend avec appréhension son rite de passage à l'âge adulte, c'est-à-dire à l'âge de 12 ans. C'est à ce moment là qu'il recevra son statut au sein de la société, autrement dit son rôle, son devoir et son futur métier pour qu'il trouve sa place dans ce monde. Jonas se pose beaucoup de questions sur sa future appartenance alors que sa soeur Lily est très excitée à l'approche de ses huit ans où on lui donnera un vélo. Quel travail Jonas va-t-il hériter ? Sera-t-il à la hauteur tout comme son père ?
C'est alors que le comité des Sages lui donne une fonction très importante : celle de passeur. Très vite Jonas va apprendre que devenir passeur est un parcours douloureux car c'est le
dépositaire de la mémoire de toutes les générations précédentes. Etre passeur c'est être seul car Jonas ne doit en aucun cas partagé ce secret avec sa famille et son entourage. C'est un rôle difficile et lorsque Jonas comprendra à quel point les règles de sa communauté sont injustes, choisira-t-il la voie de son coeur ou celle du citoyen ?

Roman d'apprentissage par excellence, Le passeur est une magnifique histoire d'initiation où l'enfant apprend ce que sont les émotions dans une société qui a tout contrôlé. Le monde dans lequel vit Jonas n'a pas de couleurs. Ses parents sont fiers de lui mais ne l'aiment pas car les individus ne connaissent pas les sentiments. La vie est policée et lissée au rythme des règles convenues par les sages, au nom du bien être public, de la citoyenneté. Toute subjectivité est annihilée grâce à une pilule. Il y a aussi le thème de la mort, du refus de cette société qui se traduit par l'élargissement qui n'est autre qu'une mise à mort clinique et médicalement assistée. En tant que futur passeur, Jonas est le dépositaire d'une mémoire faite de rêves communiqués par son mentor. Il apprend ce qu'est la souffrance, la guerre, la douleur physique et les quelques consolations de bonheur ne sont rien comparé au vol de la mémoire. Jonas porte un poids qu'il ne peut partager et découvre les couleurs, la neige, la sensation du soleil sur la peau. J'ai trouvé ce roman très beau et bien écrit. L'intrigue s'étend progressivement vers un récit existentiel, teinté de nostalgie et d'une profonde mélancolie. Que ferait-on d'un monde sans saveurs, où tout est fade et sans goût ? Faut-il oublier pour être heureux ? ou au contraire se souvenir malgré la douleur et avancer ?


A lire les avis de Karine, La bibliothèque du Dolmen, Thalie