La force du storytelling, c'est l'échec !

Publié le 29 août 2011 par Storytellingfrance
Le storytelling par l'échec ? Est-ce que ce n'est pas un peu méthode Coué, ça ? Et si je prenais l'exemple de Steve Jobs pour illustrer cette affirmation ? Depuis sa démission, posts, tweets et articles classiques n'ont eu de cesse de souligner l'incroyable success story du bonhomme. Et même si je suis partisan de la philosophie Google, très éloignée de celle d'Apple, je le reconnais.   Il serait pourtant faux de ne retenir que l'aspect "cocorico" de cette story ; car c'est bien plus sur des échecs (et la faculté de les gérer) qu'elle s'est fondée. Je ne suis pas le seul à le dire, mais le ressort du storytelling, ce sont les conflits. Une histoire "cocorico" n'a aucun intérêt, une collection d'histoires "cocorico" à travers les années en a encore moins. Ce n'est donc pas sous l'angle de l'Histoire que Steve Jobs a accumulé un potentiel de storytelling impressionnant. C'est plutôt une timeline thématique qu'il a déployée. Pas tant pour s'en servir comme d'une storythèque, que comme éléments, preuves (on retrouve les reasons why de la pub traditionnelle) appuyant une "bigger story".   Le storytelling le plus efficace en marketing n'en reste effectivement pas à l'utilisation d'une histoire, si bien scénarisée soit-elle, mais développe une histoire plus grande, à laquelle les "petites" histoires sont connectées et avec laquelle ces dernières entrent en raisonnance (pas de faute d'orthographe ici...).  Cette bigger story, c'est celle d'Apple et de sa vocation de ne pas mettre l'homme en confrontation face à la machine, mais de mettre la machine au service de l'homme. Quitte à essuyer des échecs. Cela a été le cas en 1980, avec le lancement de l'Apple III, qui, pour être silencieux, était démuni de ventilateur. Pas au point, la technique fera flop. Pas l'idée de machine au service de l'homme. Cette quête ne se fera pas sans trahisons, Steve Jobs apparaissant parfois comme le traître, comme lorsqu'il abandonna le projet Lisa (du nom de sa fille), pour s'embarquer dans l'aventure Macintosh. Mais c'était pour la bonne cause. Parfois, c'est lui qui est la victime. L'un des épisodes marquants de la story Steve Jobs est bien le moment où il a été viré par le conseil d'administration d'Apple, par John Sculley, celui qui avait été patron de PepsiCo avant que Steve Jobs ne le persuade de le rejoindre avec une question fameuse : "préférez-vous vendre de l'eau sucrée jusqu'à la fin de vos jours ou venir avec moi changer le monde ?". C'est cette question que l'on retiendra, mais c'est bien son éviction puis le fait qu'il réssuscitera qui sont importants, puisqu'il sera rappelé à la tête d'Apple, alors au bord du gouffre, quelques années plus tard. On retrouve là de grands épisodes et de grandes figures de la dramaturgie et de la littérature, quelques éléments du voyage du héros de Joseph Campbell, aussi. Le terme "Dark Vador du business" utilisé la semaine dernière par Libération lui va très bien.   Autres échecs encore : Next, le nouveau défi de Steve Jobs dans son "après-Apple", en 1985, dont les ventes d'ordinateurs ne décolleront pas... mais qui sera rachetée par Apple, quelques mois avant son retour et après s'être recentrée sur le software. Echec et rebonds, toujours. Conflit, donc. Le Mac Cube ? Echec aussi, pour ce produit dont Steve Jobs dira qu'il était "le plus bel ordinateur jamais conçu par Apple". L'innovation et le service de l'homme sont là, mais le coût trop élevé. Pas grave : c'est aussi la machine au service de l'homme et à un coût.. humain. Mais rémunérateur quand même, donc la notion de coût humain sera à traduire par : coût accepté par l'homme, construction de la marque qu'on peut percevoir comme une techno-secte à la clé. Comme le dira Umberto Eco dès 1994 : "le Mac est catholique (...). Il est convivial, amical, conciliant, il explique pas à pas au fidèle la marche à suivre(...). Tout le monde a droit au Salut".   Le personnage même est conflictuel. Perçu comme un génie par les addicts, comme un tyran par ceux qui ont affaire à lui, et notamment ses employés. Là aussi, c'est un héritage de sa propre histoire : viré qu'il a été, par le passé, victime de trahisons... Il a su cependant ne pas se positionner comme un génie, mais comme un architecte autour duquel gravitent d'autres personnages fascinants : designers, développeurs... dont les noms n'ont pas été dissimulés pour ne laisser croire qu'à la compétence du chef.   Success-story ? Oui, mais grâce aux échecs et au conflit.   S'abonner à la newsletter Storytelling