Magazine Nouvelles

1er septembre 1900 | Naissance d’André Dhôtel

Publié le 01 septembre 2011 par Angèle Paoli
Éphéméride culturelle à rebours

  Le 1er septembre 1900 naît à Attigny, dans les Ardennes, André Dhôtel. Étudiant à Paris, il se destine à l’enseignement. En 1924, il quitte Paris pour Athènes. Il vient d’être nommé à l’Institut supérieur d’études françaises. De retour en France en 1928, il se consacre à l’enseignement de la philosophie et à l’écriture.

  André Dhôtel est l’auteur de nombreux récits, nouvelles et contes, poèmes et préfaces ainsi que de romans imprégnés de « l’atmosphère inquiétante » de sa terre natale. Mais les thèmes de prédilection de l’auteur sont l’errance et la quête infinie de l’ailleurs. Ce dont témoignent les titres de certaines de ses œuvres.

  Campements, son premier roman (1930), Le Village pathétique (1943), Nulle Part (1943), Ce lieu déshérité (1949), Les Chemins du long voyage (1949), La Chronique fabuleuse (1955), Le pays où l’on n’arrive jamais (1955), L’Azur (1969), Un jour viendra (1970), Je ne suis pas d’ici (1982)…

  Prix Femina 1955, Le pays où l’on n’arrive jamais reste son roman le plus célèbre. Son œuvre a été couronnée en 1974 par le Grand Prix de Littérature de l’Académie Française et, en 1975, par le Prix national des Lettres. CAMPEMENTS
(extrait du chapitre 5, première partie)

  Là où furent les eaux de l’hiver, dans les prés, les hommes qui allaient à la pêche marchaient au milieu des coucous.
  Jacques alla un jour poser des lignes à la rivière, et il se dit en détachant sa barque :
  ― Comme tout change… Tout cela est vivant, extraordinaire. J’ai le cœur lourd et pourtant je ne suis pas triste.
  Quand il voyait Jeanne il pensait la même chose et Jeanne ressentait un tourment pareil.
  L’été brulait au long des collines, et l’odeur du soleil se mélangeait à la fraîcheur des blés.
  Jacques, écoutant le bruit de la côte, s’éloigna le long du marais en dirigeant la perche ;
  Après avoir traversé les vagues du gué où, sur les îles de grève, pousse l’oseille sauvage, il parvint au cours profond qui l’emporta sans effort. Il se mit à raccommoder des lignes. Puis il abandonna son ouvrage, et ses pensées l’occupèrent tellement qu’il ne prêta plus attention à rien.
  Il était à demi étendu auprès du gouvernail, et il s’endormit dans la chaleur de l’après-midi.
  Le bateau l’entraîna à travers les villages d’Aigly, de Charbeuil et de Senon. Il serait sans aucun doute allé jusqu’à la mer si les rêves humains n’avaient des limites.
  Il traversa les courants chargés de branches, passa près des églises dont les premières marches s’élevaient non loin de l’eau, et près des lavoirs.
  Et, par une écluse, la barque entra dans le canal. Alors des canards l’entourèrent et les écoliers des rives prétendirent que le maître d’école avait trop bu du vin des collines.
  Jacques arriva ainsi contre les flancs d’une péniche où l’homme de la barre, les jambes pendantes, jouait d’une mandoline et crachait dans l’eau de temps en temps. C’était un homme sage qui ne chercha pas à réveiller le dormeur.
  Lorsque Jacques ouvrit les yeux, il aperçut au-dessus de lui les planches goudronnées du ponton. Le musicien interrompit un instant sa mélodie pour lui dire qu’il se trouvait non loin de Senon, puis il la reprit.
  Jacques gagna le port voisin où il amarra sa barque. Quand il descendit sur le chemin de halage, son étonnement n’avait pas cessé.
  Ce fut dans l’après-midi que Jacques et Jeanne se rencontrèrent, par hasard, sur la route de Saint-Claude. Ils furent surpris l’un de l’autre.
  Il se dit : « Pourquoi n’est-elle pas à la maison à m’attendre ? »
  Elle se dit : « Pourquoi n’est-il pas allé chez moi aujourd’hui ? »
  Ils furent très émus de se rencontrer, parce qu’en vérité ils se cherchaient tous deux en dehors des villages, dans le libre monde.

André Dhôtel, Campements, Éditions Gallimard, Collection blanche, 1930, pp.67-68-69.



■ Voir aussi ▼

La Route Inconnue (site de l'Association des Amis d'André Dhôtel)
→ (sur Calou, l'ivre de lecture, le site de Pascale Arguedas) une page consacrée à André Dhôtel




Retour à l’ index de l'éphéméride culturelle
Retour à l’ index des auteurs

» Retour Incipit de Terres de femmes

Retour à La Une de Logo Paperblog