Je suis en train de me demander dans quel monde je vis.
Petite, mes parents m’emmenaient aux musées, aux expos. Je me souviens d’avoir vu La Flûte Enchantée par les marionnettes de Salzbourg (sans doute une version abrégée), au collège j’avais un abonnement Théâtre, on allait au cinéma (Kiarostami entre autre). Au lycée, j’étais dans une section spéciale certes (alors les musées, les expos, les films, ça y allait !) mais j’ai découvert et apprécié des bouquins (merci à la prof de français)
Bref, pour moi qui ne suis pas issue d’un milieu franchement bourgeois, ni banlieusard (au sens HLM, quartier pourri), dans cet entre-deux qui caractérise pas mal de banlieues de province, la culture ça a toujours été abordable. On me l’a rendue abordable et j’aime, moi-même, la rendre accessible à d’autres. Ce n’est pas pour rien que j’ai fait de l’histoire de l’art, que j’ai eu envie de transmettre ça aussi autour de moi.
Ca remonte sans doute à loin (mon grand-père, ouvrier, qui ne voulait pas que ses enfants restent des ouvriers, qu’ils s’éduquent, qu’ils grimpent dans l’échelle sociale).
Et je tombe de plus en plus sur des gens élitistes qui désirent garder le privilège de la culture pour eux. Le genre à vous débiter des mots savants et compliqués, parce qu’ils les connaissent, pour vous montrer combien vous êtes incultes parce que vous ne connaissez pas le sens du mot térébrant (qui piège l’inculte qui réplique « tu veux dire ténébrant ? » – j’admets qu’il est parfait pour décrire certaines sensations, mais le sortir fait toujours pédant) ou n’importe quel autre mot peu usité dans le langage courant.
Je tombe sur des gens qui estime qu’un auteur qui décide de traduire certains passages latins en français, de rendre son texte plus abordable à la jeune génération (on ne fait plus autant de latin de nos jours…) est un choix purement commercial. Il est évidement que M.Eco doit avoir besoin d’argent, sinon, il ne s’abaisserait pas à vouloir intéresser de nouveaux lecteurs à ses livres ! Voyons, ces gens ne pensent absolument pas qu’on puisse laisser Le Nom de la Rose entre toutes les mains. Après tout, il y a le film pour les ploucs, ça leur suffit, non ?
Je tombe sur des critiques qui encensent des bouses littéraires, cinématographiques, parce qu’elles sont inabordables intellectuellement (la plupart du temps par excès de pédanterie et de complexifications indigestes) – Syndrôme Télérama (bien que Télérama ne soit pas systématiquement dans cette mouvance-là, il lui arrive de s’y coller)
Je tombe sur des gens qui bien souvent disent aimer l’art et s’y intéresser, m’expliquer des concepts simplistes sans le comprendre (« le cubisme, c’est la représentation de toutes les faces à plat » euh… ouais, d’accord, mais alors le cubisme synthétique, c’est plus du cubisme alors ?) et se moquer des arts populaires tant qu’ils ne sont pas encensés par une reconnaissance, quitte à tout confondre (des tags deviennent de l’art quand ils n’en sont pas, juste parce que le street art c’est tendance…) . Bref, se prendre pour des connaisseurs, eux, et mépriser ce qui n’a pas été théorisé/adoubé par le milieu de l’art.
Pour moi, la culture était un bien à partager le plus possible. Evidemment, je n’attends pas la même compréhension de tout le monde, je n’explique pas les choses de la même manière à l’un et l’autre. Attention, je ne simplifie pas pour les pauvres d’esprit, non. J’utilise leurs connaissances et leur vocabulaire, je mets la culture à leur portée. Je ne pousse pas plus que nécessaire : certains se contentent d’explications de base, d’anecdotes, d’autres désirent aller plus loin dans la discussion. Comme on a toujours fait pour moi.
Une véritable oeuvre d’art, une véritable culture doit être accessible à tous, elle doit avoir différents niveaux d’accessibilité. Un film par exemple doit parler à l’un pour son histoire, l’autre y verra le point de vue artistique (cadrage, montage), et tel autre y verra des références culturelles qui échappe aux précédents. Sans exclure les premiers qui viennent sans les références culturelles du dernier.
Et je me rends compte que de plus en plus de gens se renferment dans un élitisme culturel malsain, essayant d’enfermer l’art dans leur milieu social.
L’art n’est pas l’apanage d’une élite : c’est un moyen d’ouvrir les yeux sur le monde, de le voir sous un jour différent. Il est normal qu’il parle à tous et interdit qu’on le cantonne à quelques uns.
Voilà, c’était le coup de goule du lundi de rentrée… Marre qu’on prenne les gens pour des truffes…