Celui qui se sent largué / Celle qui constate son inadéquation croissante au niveau de la fonctionnalité marchande de l’Entreprise / Ceux que la médiocrité radieuse insupporte / Celui qui n’en peut plus d’avoir l’air content / Celle qui stresse pour rien mais quand même / Ceux que l’angoisse circonvient / Celui que l’enthousiasme forcé force à perdre le sien / Celle qui se débat contre Vii le démon aux paupières de plomb / Ceux qui se débattent contre ils ne savent trop quoi / Celui que la pensée de la mort revivifie / Celle qui n’en a qu’à la beauté de l’objet / Ceux que leur solitude protège / Celui qui cherche la vraie couleur des mots / Celle qui remonte le cours des années sans cesser de courir / Ceux qui écrivent à leur mère défunte qui reste aussi silencieuse qu’avant / Celui qui se retrouve devant le fleuve immobile qui est peut-être un lac va savoir de toute façon c’est un rêve / Celle qui se prépare des souvenirs avec une attention renouvelée / Ceux qui distinguent nettement l’immensité des choses de leur énormité / Celui qui cherche vainement le charme de l’hôtel éponyme / Celle que déprime la vision des larves / Ceux qui se baignent à la source des larmes / Celui qui se contente de recevoir / Celle qui retourne les situations avec la même habile célérité qu’elle le fait de la crêpe Suzette / Ceux qui se retrouvent dans le champ de (mauvaises) mines / Celui qui sifflote dans le cimetière désaffecté où fleurit la rose bon marché / Celle qui sent son crâne sous sa perruque rose / Ceux qui ont pitié des rictus / Celui qui perce ton jeu en vidant son sac / Celle qui fait place nette dans le Tohu-Bohu parental / Ceux qui réparent les objets de première nécessité genre brosse à dents et cure-pipes / Celui qui coupe court au discours du brillant sophiste en lui désignant une miette sur sa moustache à la Clark Gable / Celle que le conformisme écoeurant du Nouvel Âge rend parfois méchante / Ceux qui te parlent de la culture comme d’un hobby et que tu finiras par baffer ça c sûr / Celui qui lit Chamfort pour stimuler son agressivité bonne / Celle qui lit entre les lignes de ta main / Ceux qui persistent et se signent / Celui qui traverse au rouge et se fait renverser par un camion et se retrouve au pavillon de traumatologie où il rencontre l’infirmier de sa vie comme quoi / Celle qui fait contre mauvaise fortune bon beurre / Ceux qui remontent la pente en nageant dans le sens contraire des aiguilles de la montre / Celui qui reprend le vélo à outrance / Celle qui se faufile dans la pénombre propice / Ceux qui s’interrogent sur la discontinuité ontologique consécutive à l’apparition de l’homme puis se rendorment tranquillement sur l’oreiller brodé par Maman Darwin / Celui qui affirme que la Nature a un sens en elle-même qu’il faut creuser au niveau du groupe / Celle qui adhère au Groupe de Conscience avec l’allant d’une ancienne majorette / ceux qui se lavent le cerveau dans la fontaine de jouvence / Celui qui se veut inatteignable tout en restant connecté 24/24 heures / Celle qui estime qu’il faut relire Lacan / Ceux qui estiment que le vêtement est la maison de la personne et autres crétineries / Celui qui se fait fort de relancer l’intensité communicationnelle au niveau de la cafète de l’Entreprise / Ceux qui estiment que l’univers des marques est le nouvel espace du Sacré et autres fadaises, etc.
Image : Philip Seelen