Il est temps de revenir sur ce que je n’ai pas écrit lorsque j’étais là bas. Ou que j’ai écrit et qui a été perdu, la faute aux aléas techniques.
Les jeunes ouagalais n’ont sans doute aucune idée de ce qu’était le Ouagadougou de leurs parents, celui que j’ai connu. De la poussière partout, des cases en banco en centre ville, et pas un immeuble de plus de trois étages, ou presque. Et peu de rues goudronnées. Je me disais l’autre jour, passant dans une rue que j’ai connue en terre autrefois qu’on y voit maintenant plus de voitures que dans tout Ouagadougou à l’époque où je suis venu pour la première fois manger du porc au four à cet endroit.
Je me dis qu’il ne faut pas regretter cette époque, qu’il fallait bien moderniser la ville et que si on a renvoyé les gens qui habitaient dans ces villages au centre ville à la périphérie, pour construire des immeubles modernes dans un plan de ville tout aussi moderne et insipide, c’est bon et nécessaire pour le pays. Sans doute.
Mais ce n’est pas le moment de m’interroger sur tout cela. Je voulais surtout revenir sur ce que j’avais écrit là-bas et qui a été perdu. Le Ramadan venait de se terminer, il y avait eu la fête. Et la bière avait coulé à flot… L’islam africain est ce qu’il est. Je ne pense pas que cela enlève quoi que se soit à la foi des croyants mais le respect de certaines règles n’a guère de sens, même si elles sont instaurées par d’autre en piliers de la religion. Et d’ailleurs, ce qui vaut pour l’islam vaut pour les autres religions.
Tout absorbés par le carême, car au Burkina on parle bien de carême et pas de ramadan, ce qui est d’ailleurs assez juste, les ouagalais n’ont pour la plupart pas entendu parler de la chute de Kadhafi. Et ce n’est pas forcément plus mal car je me demande comment on va leur expliquer que le bienfaiteur de l’humanité était en fait un monstrueux tyran qu’il fallait, pour le bien de son peuple, renverser de toute urgence après quarante ans de pouvoir.
Le Burkina est un peu à l’écart de ce monde. Pourtant, il y a à Ouaga une Avenue Mouammar El-Kadhafi, en l’honneur de ce grand homme, bienfaiteur de l’humanité comme je l’ai dit, et accessoirement grand constructeur de mosquées et d’infrastructures diverses. Et un homme si modeste avec ça, né et vivant sous la tente, pas dans des palais dorés comme les donneurs de leçon héritiers des colonisateurs.
Pour l’homme de la rue, Kadhafi est résolument un grand homme, un de ces leaders panafricains qui ont beaucoup aidé le pays. Il est connu jusque dans le plus petit village. Et pourtant, les anciens se souviennent que le 5 août, Thomas Sankara avait renvoyé les avions libyens qui apportaient l’aide des frères du nord de l’Afrique aux révolutionnaires. Plus tard, quand les grandes affiches proclamant « le Burkina Faso n’est pas à vendre » eurent été enlevées, Blaise n’a pas eu ces réticences. Pas plus avec le guide libyen qu’avec ceux de l’ancienne métropole.
La grande mosquée financée par la Libye, par ailleurs très moche, en style plus ottoman qu’africain, est toujours en construction.
Et l’avenue Mouammar El-Kadhafi n’a pas été débaptisée.