Magazine Journal intime

Je ne suis pas un poisson !

Publié le 07 septembre 2011 par Wawaa

Non, n'insistez pas ! Je ne suis pas un poisson. Quand bien même il m'arrive parfois qu'on me confonde avec l'ami (1) thon ou avec l'amie (1) morue, je ne suis pas un poisson. Quand bien même je baille comme une carpe devant la télévision (2), quand bien même j'ai déjà expérimenté et compris tout le sens de l'expression « être serrés comme des sardines » dans le tumulte de la ligne 13 du métro parisien, quand bien même au sortir de la douche, je me sente fraîche comme un gardon (3), je vous le dis tout de go, je ne suis pas un poisson. Inutile de lire ce flot de mot avec des yeux de merlan frit, d'hurler à l'ignominie à la façon des poissonniers sur le marché (4), il n'y a vraiment pas de quoi fouetter un poisson-chat, JE NE SUIS PAS UN POISSON, un point c'est tout.

Et si j'ai décidé aujourd'hui de vous en offrir un beau ban, si je crie en long, en large, à tort et à travers que je ne suis pas un poisson, c'est que j'ai, dans mes filets, d'excellentes raisons de le faire.

Je ne suis pas un poisson et pourtant par une sombre nuit d'été, j'ai cru que j'étais devenu l'une de ces bestioles à écailles puantes et poisseuses, le temps d'un cauchemar dramatico-comique dans lequel Sigmund Freud (5) aurait probablement pêché quelques loufoques théories. L'eau était bonne, quoiqu'un peu remuante. Je voyais la succession infinie, presque régulière, des vaguelettes à la surface de l'eau. A ma gauche j'apercevais une sorte de longue falaise ocre sur fond de ciel bleu et loin face à moi, une grande plage déserte. J'aurais déjà dû comprendre que c'était un rêve, car en général, au bout de 5 minutes de natation, non seulement j'ai rarement franchi plus de 30 mètres mais en plus je me mets à nager comme une clef à molette en plomb massif. Soit.

C'aurait été un doux rêve à quelques détails près car dans la mer, il y avait ma mère (6). Et un peu plus loin, vers le rivage, en train de nager, mon père. J'aurais dû là également comprendre que c'était un rêve car mon père ne nage pas, il ne flotte même pas, c'est une brique.

Bref. Un drame fit tomber à l'eau cette touchante scène familiale. C'est qu'une énooooorme vague avait décidé de nous foncer dessus dans un élan sadique : « Tiens si je noyais trois personnes de la même famille aujourd'hui ? En plus, je suis sûre qu'on en parlera pendant 12 jours aux infos, je serai célèbre, je serai la vague qui surferait sur le haut de la vague, une métavague, ce serait la classe ultime ! »(7)

Maman commençait à se noyer. Maman, NON MAMAN ! Ne te noie pas, tu peux encore servir ! Elle s'est mise à pousser ses habituels cris stridents. Comme mon père, malgré son potentiel de brique, me paraissait beaucoup moins en danger, j'ai fait le terrible choix de sauver ma mère prise dans ce terrifiant tumulte aquatique. Je l'ai alors poussée avec Archimède, de toutes mes forces à la surface quitte à boire la tasse... du moins là, c'était plutôt des saladiers que j'ingurgitais.

J'ai tout à coup perdu toute trace de mes géniteurs. Sans doute avaient-ils fini par rejoindre le rivage alors que moi, je m'engouffrais en apnée dans les profondeurs marines.

Tout était bleu et tranquille. Je me sentais zen comme une algue bercée par un léger courant. Même pas un Flipper à l'horizon pour troubler ce calme envoûtant. Quand soudain, à moi, moi plutôt athée convaincue, Jésus, droit et fier, est apparu, dans une grande bulle de lumière jaune, avec ses longs cheveux noirs et sa légendaire barbiche que j'aurais bien voulu approcher pour voir si on pouvait y faire des tresses. A moins que ce ne fût un célèbre rugbyman français dont la pilosité fait fureur. J'ai compris que c'était Jésus quand il m'a annoncé qu'afin de me garder en vie, il allait me transformer en poisson (8). C'était pour moi absolument hors de question et je lui ai fait savoir par ma plus belle voix, hurlant, vociférant, férocement, rageusement « JE NE SUIS PAS UN POISSON, JE NE SUIS PAS UN POISSON NOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOON ». Mes cris ont débordé de mon rêve et mon conjoint les a entendu, si bien que, tout doucement, d'une caresse sur mon épaule gauche, il me sortit de ce terrible cauchemar et il me semble bien lui avoir dit « JE NE SUIS PAS UN POISSON ».

Mais tout n'est pas tout fini ! Car le lendemain, j'ai découvert que ce rêve avait une raison d'être, ce rêve était prémonitoire ! Non pas parce que j'allais réellement me transformer en poisson, mais parce que sur les rivages du Lac du Pareloup au coeur de l'Aveyron, un petit poisson innocent dont les écailles scintillaient au soleil, se noyait dans l'air. Il avait surement était poussé là par les vagues provoqué par les bateaux et pédalo. Jamais je n'aurais imaginé toucher un poisson vivant, d'abord parce que ça gigote, mais en plus, ça laisse sur les mains une sensation dégoulinante. J'ai donc pris mon courage à deux mains et je l'ai repoussé dans l'eau. Il a repris sa route, moi la mienne. Et c'est ainsi que s'achève cette histoire autobiographique qui raconte clairement que JE NE SUIS PAS UN POISSON.

(1) « Les poissons sont nos amis, pas de la bouffe » dixit le requin de Le monde de Nemo

(2)S'offrir des séances de lobotomie à la maison, ça n'a pas de prix !

(3)A peu de choses près que je ne sens pas le gardon, évidemment.

(4)La morue est à moitié prix aujourd'hui, profitez-en !

(5) Ce nom serait idéal pour un poisson rouge, non ?

(6) Maman, je t'aime, mais si tu viens aussi polluer mes rêves ...

(7)Quoi vous ne saviez pas que les vagues pensaient … On parle bien pourtant du vague à l'âme … une vague a donc une âme, point.

(8) Logique, sinon il m'aurait proposé de me transformer en essai, mais JE NE SUIS PAS NON PLUS UN BALLON DE RUGBY, ok ?


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