LE DONNEUR D’EAU BÉNITE
Un charron avait marié
La fille d’un fermier.
Bien que travaillant tous deux
Comme des bœufs,
Ils n’étaient guère fortunés.
Après quelques années,
Un fils leur était né.
Ils l’appelèrent Armand
Et le chérissèrent tendrement.
Quand il eut cinq ans,
Il s’échappa de leur appartement
Pour aller sur la place du village
Voir un cirque et les fauves en cage.
Il ne revint pas.
En vain son père le chercha.
Il se rendit à la gendarmerie,
Fit des démarches à la mairie,
Questionna les passants,
Interrogea les paysans.
Une fois, un voyageur lui raconta :
-Moi, j’ai connu un gars
Qui avait perdu sa fille.
…Il l’a retrouvée à Blonville.
Ce père n’avait pas revu son enfant
Depuis seize ans.
Espérant toujours une pitié de la destinée,
Les dimanches, il passait la matinée
Au seuil des églises, recherchant
Parmi les fidèles
Un homme ressemblant à Armand.
C’est dans l’une d’elle
Qu’il connut un donneur d’eau bénite.
Ils se lièrent d’une amitié subite
Au point que souvent le charron remplaçait
Le vieux bedeau s’il était indisposé.
La fin de l’hiver vit d’ailleurs sa disparition.
Et le charron prit sa succession.
A chaque office, il regardait tous ceux
Qui pénétraient dans le saint lieu.
Mais de l’espoir, il n’en avait plus guère
Lorsqu’une femme et un homme approchèrent.
Le charron chercha jusqu’au soir
Où autrefois il avait bien pu voir
Un homme qui ressemblait à celui-là.
Il avait prié de toute son âme
Durant la semaine.
Et dimanche, il s’installa avec sa femme
Dans cette église lointaine
Près du bénitier en pierre.
Les deux personnes entrèrent :
-Eh bien ! Tu le connais ?
-Non…non…mais
Il a ta figure quand t’avais vingt ans.
-C’est vrai. Ha ! J’suis content !
En sortant, après la bénédiction,
Le jeune homme effleura le goupillon
Tenu par le charron. Celui-ci questionna :
-Armand ?... L’homme l’examina.
Puis illuminé par un souvenir d’enfance,
Répondit : -Papa Pierre, maman Constance !
Ils se sont embrassés puis ont pleuré
D’une joie démesurée.
Ils allèrent ensuite chez le jeune homme
Qui leur raconta : -Quand j’étais môme,
Des saltimbanques m’ont enlevé.
Je menais leur vie dépravée.
Un an après, au début de l’été,
En ayant assez de ces lascars,
Je les quittais
Et errais au hasard.
Un soir,
J’arrivais dans un manoir…
La propriétaire m’adoptait.
Comme elle n’avait pas d’enfant, j’héritais
D’une belle fortune à son trépas.
Bien sûr, je vous ai cherché longtemps,
Patiemment,
Mais on ne vous connaissez pas.
Personne. Nulle part. Voilà mon histoire.
Et maintenant permettez-
Moi de vous présenter
Ma fiancée, Victoire !
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« Asperges me »
Expression traduite par deux humoristes de cabaret :
« Les asperges me dominent » !
Darigade et Fouziquet