Publié le mercredi 17 novembre 2010 à 12h55 - MARIEHAMN (Finlande) (AFP)© 2010 AFP
Les bouchons du plus vieux champagne du monde ont sauté mercredi: après 200 ans passés au fond de la Baltique, le nectar n'est plus pétillant mais son odeur âcre chatouille les narines à plusieurs mètres à la ronde.
Parmi les flacons découverts en juillet dans une épave et qui, a-t-on dit dans un premier temps, auraient pu être envoyés par le roi de France Louis XVI à la cour impériale de Russie, figurent du Veuve-Clicquot et du Juglar, du nom d'une Maison de Champagne châlonnaise désormais disparue.
Après un démenti au moment de la découverte du vin, Veuve-Clicquot a reconnu dans un communiqué publié mercredi que trois ou quatre des 168 flacons découverts provenaient bien de la célèbre maison champenoise.
L'ouverture de deux de ces bouteilles a été mise en scène par les autorités de l'archipel autonome finlandais d'Aaland devant une centaine d'amateurs et de journalistes.
Les bouchons ont été retirés avec précaution et une très forte odeur s'est propagée, un bouquet âcre et particulièrement puissant, alors que le vin dans les verres ne laissait plus échapper que de très rares bulles.
Le Juglar est "plus intense et puissant, avec une note de champignon", tandis que le Veuve-Clicquot est plus proche du chardonnay, avec des notes de "fleurs de tilleul et d'écorce de citron", a expliqué un spécialiste du champagne, Richard Juhlin.
Trouvées par des plongeurs suédois au large de la Finlande, les bouteilles sont demeurées en bon état de conservation.
"Les bouteilles conservées au fond de la mer sont mieux conservées qu'elle ne le sont dans les meilleures caves", a expliqué M. Juhlin.
Il a précisé à l'AFP que si ces bouteilles étaient mises aux enchères chacune d'elle pourrait atteindre les 100.000 euros. Les autorités d'Aaland ont fait savoir qu'elles comptaient vendre aux enchères une bouteille de chaque producteur.
"Madame Clicquot elle-même a dû déguster ce même lot, elle goûtait tout", a déclaré à l'AFP un oenologue de la maison champenoise présent pour cette dégustation, François Hautekeur.
Il a précisé que le champagne datait de l'époque où Barbe Nicole Clicquot-Ponsardin dirigeait l'établissement soit au début du 19e siècle.
Pour lui, la surprenante découverte est très gratifiante. "D'une certaine façon, nous méritons cette récompense (...) pour chacun de nous chez Veuve-Clicquot, c'est comme remporter un championnat", a-t-il dit.
Avec d'autres oenologues de Veuve-Clicquot, M. Hautekeur a assisté les historiens d'Aaland dans leur travail pour dater le champagne découvert dans l'épave.
Le chef de cave de chez Veuve-Clicquot, Dominique Demarville, avait estimé après dégustation en août que ce champagne remonterait en fait au deuxième quart du 19e siècle. Il ne serait alors pas le plus vieux champagne encore buvable au monde dans la mesure où des experts ont dégusté l'année dernière à Londres un Perrier-Jouet 1825.
Les autorités d'Aaland ont l'intention de mélanger le champagne de l'épave avec des millésimes plus récents et de les vendre.
Le Bureau finlandais des antiquités serait déçu de la dilapidation de ces bouteilles car chaque bouteille aurait mérité d'être traitée comme une pièce de musée.
"Nous n'aurions jamais simplement vendu aux enchères de telles pièces de musée", a dit une représentante du Bureau, Riikka Alvik, à l'AFP.
Présent pour la dégustation officielle, l'un des plongeurs suédois auteur de la découverte, Christian Ekström, s'est rappelé de sa propre dégustation sur le moment.
"Je me suis dit que j'allais goûter de l'eau de mer. Mais finalement, ce n'était pas de l'eau de mer", a-t-il commenté, lui qui a avalé des lampées de ce précieux breuvage directement au goulot.
http://www.nordeclair.fr/France-Monde/Breves/2010/11/17/a...