Bernard vient de retrouver ses potes.
Après une absence imprévue.
Drôle d'affaire que celle qui est arrivée à Bernard.
Voilà, il y a environ une semaine, il est entré dans un café tabac pour acheter des cigarettes.
Bernard a alors été pris d'une faiblesse : "Tiens, et si je m'offrais un café" s'est-il dit.
Bernard s'est assis à une table.
Il a commencé à boire un café.
Et il a été à nouveau pris d'une faiblesse : "Tiens, et si je regardais ce que font tous ces gens", s'est-il dit.
Tous ces gens, selon la formule de Bernard qui n'était pas au mieux de sa forme, grattaient.
De l'ongle du pouce, le plus souvent.
Parfois à l'aide d'une pièce de monnaie, mais cela semblait moins pur, comme style.
Bernard les a observés longtemps.
Une troisième fois, il a été pris de faiblesse.
Bernard s'est mis à gratter.
A regratter.
Le patron a dû le virer de l'établissement : non, mais quoi, un commerce a ses heures de fermeture.
Bernard n'était pas bien content.
Le patron s'est repris : non, mais quoi, un commerce a ses heures d'ouverture.
Bernard a attendu.
Et il a répliqué la journée de la veille.
Sauf que les cigarettes, il en avait encore.
Il a gratté.
Regratté.
Jusqu'à hier : rupture de stock dans son café tabac.
Bernard attend un réapprovisionnement.
Ses potes tentent de le décourager de retourner jouer.
Bernard reste pour l'instant inflexible.
"Mais pourquoi, nom d'un chien ?".
Bernard a regardé l'ongle de son pouce.
"Profilé, les gars. Profilé. Pro. Vous ne trouvez pas ?".