Dans la forêt des groseilliers
je marche
les baies rouges s’inclinent
vers moi.
Là-haut,
le ciel
plein de soleil
sourit,
j’avance
dans ce monde
enchanté
le bonheur est murmure
tout est don
ici
tout est
offrande
Du haut de mes cinq ans
en levant la tête
je vois
le monde
son vrai visage
la nature
prodigieuse
Mon pays ? c’est lui
Les feuilles mordorées
ont la chair de poule
quand on les regarde
sur l’envers
Protectrices
amies des oiseaux
elles veillent
réconfortent.
À leur pied
quelques herbes oubliées
tapis de douceur
où des fraises sauvages
si succulentes
pointent le nez
elles m’appellent
m’offrent leur goût d’éternité
Au-dessus de moi
dansent l’ombre et la lumière
le vent orchestre
à peine un souffle
tout vibre
tout s’abandonne
au doux mouvement
de la vie
la mort est absente ici
rien ne se fige
Je me laisse bercer
je deviens feuille
brindille
la magie opère
je comprends
la parole
des herbes
des pierres
du moindre grain de poussière
celle de la Terre
là
sous mes pas
si réservée pourtant
que je pourrais l’oublier
Je glisse vers elle
plonge mes mains
dans ses cheveux
c’est frais
c’est agréable
je m’enracine
profond
soudain
un long frémissement jaillit
sous mes doigts
j’ai la révélation
d’une onde qui se propage
à l’autre bout du monde
en moi
La Terre est comme un chat
son immense corps vibrant
s’éveille sous mes caresses
ma vie prend tout son sens
Je découvre
l’amour
le partage
la communion
je disparais
Je suis
Elle, m’accepte, me reconnaît
Elle m’éveille à sa présence
en moi
Elle m’emporte en ses courants
Tout s’efface qui n’est pas Elle
Le temps n’est plus
j’ai disparu à tout
sauf à l’essentiel
Quand la sensation se retire
je sais
Je suis née à cinq ans
et je les ai toujours.
Dans la forêt des groseilliers
Je marche
Des rires m’accompagnent
qui s’élèvent des herbes
Les baies rouges s’inclinent,
Une mésange bleue
m’observe
Lance une trille
Picore une baie
puis s’envole
vers une trouée de soleil.
©Adamante