Antonin

Publié le 14 septembre 2011 par Ctrltab

Nous mangeons du poisson. En silence. Du poisson d’eau douce. Tendre et sucré. Sonia l’a cuisiné à la thaïlandaise. Le lait de coco enlève toute amertume à la chair de la bête. C’est bon. Je ne pose pas de questions. Nous nous regardons dans le blanc des yeux. Motus et bouche cousue. Je dévore et puis je pars me coucher.

Sonia ne tarde à me suivre. Je la prends dans mes bras. Je dis des paroles en l’air pour la consoler: « je ne veux plus te voir pleurer ni vomir des perles à l’avenir, ce n’est rien, tout s’arrangera demain ; des dysfonctionnements pareils, cela arrive parfois dans le réel, dans la vie je veux dire ; oui, il n’y a pas de quoi s’inquiéter… »  Entre deux reniflements, elle se contente d’acquiescer de la tête. Nuit, noir.

Eclat du réveil lumineux. Je me lève aux premiers rayons émis par notre simulateur d’aube. Une chanson butine dans ma tête, je ne me souviens plus que du refrain lancinant et mystérieux : don’t waste your life…?!

J’arrache mes affaires, direction le gym. J’agis plus par lâcheté que zèle sportif -  à vrai dire, je préférerais éviter Sonia.

Je croise les femmes de ménage porto-ricaines à mon arrivée au bureau. Elles se moquent de moi : « Dites donc, Mister Tanguy, vous êtes tombé du lit ? » Je feins de ne pas les entendre. Que leur répondre ? Non, je fuis ma femme qui pond des perles nacrées en guise de mots d’amour…

J’allume mon ordinateur, consulte le programme de ma journée : 12h inauguration des nouveaux cours de français, 14h rencontre avec un artiste plasticien en résidence temporaire, 16h négociations autour de la production d’un moteur de recherches français sur Internet (?!), 18h réception pour le rayonnement de l’exception culturelle française à la maison européenne d’Haïti (??!!)… Que d’incohérences, il serait peut-être temps de changer de secrétaire.

Je suis interrompu dans ma lecture par l’entrée fracassante du consul dans mon office. Ce passe alors une chose surprenante. Il me parle mais je n’entends rien. Que peut-il bien me blablater ? Je ne vois qu’un brouillard épais sortir de sa bouche…