Guitare et litterature (2)

Publié le 25 février 2008 par Elisabeth Leroy

GUITARE OU LUNE

(Vicente Aleixandre)

Guitare comme lune

Est-ce la lune ou son sang ?

C'est un coeur minuscule qui s'est échappé

Et qui sur les bois passe, laissant sa musique bleue et insomniaque.

Une voix ou son sang

Une passion ou son horreur,

Un poisson ou une lune sèche

 qui frétille dans la nuit, éclaboussant les vallées.

Main profonde, en colère menacée,

la lune est-elle rouge ou jaune ?

Non, ce n'est pas un oeil injecté de fureur

à pressentir les limites de la terre, petite.

Main qui dans les cieux cherche la vie même,

Cherche le pouls d'un ciel qui perd son sang,

Cherche dans les entrailles, parmi les vieilles planètes

charmées par la guitare qui s'allume dans la nuit.

Peine, peine d'un coeur que personne ne définit

quand les fauves sentent leurs poils hérissés

Quand ils se sentent trempés dans la lumière froide

qui cherche leur peau comme une main chimérique.

Ecoutons pour finir la voix de Federico Garcia Lorca. La guitare, souvent présente dans son oeuvre, y devient progressivement métaphore, archétype et symbole :

La guitare

Commencent les pleurs

de la guitare.

Se brisent les coupes de l'aube.

Commencent les pleurs

de la guitare.

Il est inutile

de la faire taire.

Il est impossible

de la faire taire.

Elle pleure monotone,

Comme pleure l'eau

Comme pleure le vent

sur la névée.

Elle pleure pour des choses

lointaines.

Sable du Sud chaud

qui demande des camélias blancs.

Elle pleure, flèche sans cible,

le soir sans matin

et le premier oiseau mort

sur la branche.

Oh, guitare !

coeur blessé à mort,

par cinq épées.

Les six cordes

La guitare

fait pleurer les rêves

le sanglot des âmes

perdues

s'échappe par sa bouche

ronde

Et comme la tarentule,

elle tisse une grande étoile,

pour chasser les soupirs

qui flottent dans sa noire

citerne de bois.

(à suivre)